En 2012, l’ICANN recevait 643 candidatures pour l’utilisation de nouvelles extensions par des marques. Récemment, certaines marques ont retiré leur demande d’obtention d’une extension de premier niveau, entraînant la perte totale ou partielle des frais d’inscription d’un montant total de $185 000.
Pourquoi ces marques ont-elles pris la décision de renoncer à la possibilité d’agrandir leur territoire numérique ? Est-ce une action réalisée dans un cadre stratégique ou leur manque-t-il simplement les moyens et les informations nécessaires pour optimiser leur investissement ?
Jean-François VANDEN EYNDE, Directeur de Nameshield Registry au sein du groupe Nameshield a enquêté.
Le programme des nouvelles extensions a mis du temps à se mettre en place et, ce n’est que depuis 2013 que les nouvelles extensions font leur apparition. Encore aujourd’hui elles sont souvent inaperçues aux yeux du grand public. A l’heure actuelle, plus de 500 nouvelles extensions ont été déléguées. Parmi elles, à peine plus de 100 sont des candidatures pour un .BRAND, telles que .cartier, .marriott, .nissan, .bnpparibas et .bbc.
Note- Lorsqu’une extension est déléguée, elle doit immédiatement activer le site web : nic.extension (ex : essayez en tapant nic.cartier ou nic.marriott dans la barre de recherche de votre navigateur).
Plus de 50 candidatures pour un .BRAND ont été abandonnées, dont certaines grandes marques comme Amazon, General Motors (.chevy), Bloomingdales, Hasbro International Inc. (.transformers) et ProMark Brands Inc. (.Heinz & Ketchup).
S’il ne faisait aucun doute que des candidatures allaient être abandonnées avant que le programme n’arrive à sa fin, il est maintenant intéressant d’analyser les raisons incitant les candidats à revenir en arrière sur un tel investissement :
1- L’avantage compétitif
Certains détenteurs de marques sont candidats au programme des nouvelles extensions uniquement pour obtenir un avantage concurrentiel ou rester dans la roue de leurs concurrents.
Si la finalité n’est pas véritablement d’obtenir leur .BRAND et que l’extension n’est pas utilisée par la suite, le retrait rapide permettra de minimiser les pertes, du moins jusqu’au prochain round.
Ce type de stratégie a été adopté par un grand nombre de détenteurs de marques, aussi bien pour des .brand que pour des extensions génériques.
2- La défaite face aux objections
La procédure mise en place permettait de formuler une plainte sur base d’un des quatre motifs retenus. Si la partie adverse gagnait, la candidature devait alors être annulée.
Par exemple, Ralph Lauren a été forcé d’annuler sa candidature pour le .polo suite à l’objection émise par l’association United States Polo Inc..
3- L’évolution du personnel
Ils disent que la seule constante est le changement, et il est certain qu’aujourd’hui les sociétés modifient leurs stratégies à une vitesse alarmante et que le personnel évolue sans cesse.
Si le chef de projet du programme « nouvelles extensions » quitte ses fonctions, alors le projet peut rapidement être abandonné, d’autant plus si celui-ci en est à ses balbutiements.
4- Le manque d’expérience
Une difficulté évidente s’est faite ressentir lors de l’ouverture du programme des nouvelles extensions. Il s’agit d’un réel manque d’experts proposant d’aider les déposants à préparer leur candidature.
Il n’y a en fait, actuellement, que très peu de personnes dans le monde bénéficiant de l’expérience nécessaire pour implémenter et mettre en œuvre un registre. Ce manque de savoir-faire peut inciter certaines sociétés à se lancer et à investir dans la mise en place d’un .BRAND malgré un manque de compétences.
5- L’incertitude de la nécessité
De nombreux .BRAND ont été réservés dans le cadre d’une stratégie défensive sans que le détenteur de marque ne réalise véritablement le potentiel d’une telle extension. Les nouvelles extensions étant des actifs immatériels qui impliquent un investissement considérable à maintenir sur le long terme, il est compréhensible que certaines sociétés reconsidèrent le réel besoin d’un .BRAND.
6- Le manque de visibilité
Pour ceux qui travaillent dans l’industrie des noms de domaine depuis un certain temps, l’idée d’avoir un rôle dans la mise en place de l’infrastructure Internet peut sembler très attrayante. De fait, la gestion de l’espace Internet est notre domaine, pour de nombreux détenteurs de marque ce n’est pas le cas. Tandis que quelques personnes sur la planète savent comment implémenter et mettre en œuvre un registre, il y en a également quelques-unes qui savent comment adapter un registre aux besoins d’une marque seule.
De façon similaire, les gestionnaires habituels de la marque n’ont pas forcément conscience de l’utilité d’un .BRAND et comment cette extension peut contribuer au succès de la stratégie d’entreprise.
On peut remarquer que les quelques .BRAND qui ont été délégués sont aujourd’hui utilisés de manière massive dans les messages marketing, campagne emailing ou sur le web. Il est probable que l’utilisation du .brand va changer l’industrie et nous faire quitter le monde du .com pour entrer dans « l’ère du .anything ». Imaginez ce qui se passerait si Nike commençait à utiliser son .NIKE dans ses publicités télévisées ou si Mac Donalds commençait à généraliser l’utilisation des adresses web en .MCD.
Moins de précipitation, plus d’efficacité
Contrairement aux registres dits grand public, le registre d’un .BRAND est moins soumis à la pression commerciale lors du lancement. C’est l’une des principales raisons qui explique que les personnes voient davantage d’opportunités dans le domaine des .BRAND. Par ailleurs, les détenteurs de marques semblent considérer l’obtention de la délégation comme l’aboutissement du projet, plutôt que d’y voir le début d’une nouvelle ère Internet. Avant de lancer une nouvelle extension, les marques vont vérifier que leur campagne marketing actuelle, la politique de mailing, le trafic web, et, avant tout, les revenus ne seront pas affectés de manière négative.
Pour une marque internationale, il y a un grand nombre de sujets à aborder en interne, notamment les programmes de formation, les recommandations marketing, les adresses mail, la documentation et les conséquences sur la culture d’entreprise.
Certaines marques peuvent considérer que ces grands chantiers ne doivent pas être pris en compte pour le moment et préfèrent continuer à utiliser et promouvoir leurs noms de domaine actuels dans l’immédiat.
Cependant, les marques ne devraient pas dénigrer, par manque de compréhension ou d’informations, les bénéfices à long terme que les nouvelles extensions peuvent apporter à leurs affaires. Naturellement, une étude attentive doit être réalisée afin de maximiser la délégation d’une nouvelle extension qui peut être prise en compte comme un nouvel actif immatériel.
En faire bon usage !
Que pourraient faire les marques une fois leur extension déléguée ?
Plusieurs options s’offrent aux marques comme :
- La conserver
Les candidats ayant réservé une extension à titre défensif vont généralement la conserver dans un coin. Nous pourrions comparer cela à l’achat d’une Ferrari pour la laisser au garage. Bien que cette option soit envisageable et compréhensible, compte tenu du manque de connaissance des détenteurs de marque dans la gestion d’une infrastructure internet, cela n’a rien à voir avec le fait d’investir pour en faire un véritable avantage concurrentiel contre les concurrents n‘ayant pas enregistré de nouvelles extensions.
Par exemple, Nike a enregistré avec succès le .Nike, alors qu’Adidas et Reebok n’ont pas choisi de le faire. Une nouvelle piste à explorer s’offre donc à Nike afin d’obtenir un avantage compétitif mesurable.
- L’afficher
Le minimum qu’un détenteur de marque puisse faire est de se servir de ce nouveau et, comparativement, moins onéreux système de nommage Internet afin de maximiser le trafic sur ses différents sites web.
En créant des noms de domaine clés et en renvoyant le trafic correspondant aux sites web principaux des marques coûterait moins cher et pourrait générer une augmentation du business et certainement participer à l’amélioration du référencement.
- La promouvoir
Quelques détenteurs de marques sont déjà en train de développer leur stratégie marketing en ligne, si ce n’est leur stratégie commerciale, basée sur leur nouveau .BRAND. Ils l’utilisent pour faire passer des messages marketing forts au sujet de leurs valeurs, de leur culture et de leur éthique dans l’objectif de renforcer la crédibilité et l’image de la marque.
Ces éléments font alors des noms de domaine, comme le .com l’a été, des noms de domaine premium.
Par exemple, Nike pourrait héberger un site web présentant sa stratégie en développement durable sur developpementdurable.nike ou des produits issus du commerce équitable sur commerceequitable.nike ou bien encore un focus sur l’innovation et le développement de la marque sur innovation.nike. Si une marque voulait faire l’équivalent avec un nom de domaine en .com, ils devaient payer des millions de dollars pour un seul domaine disponible à tous. Utiliser un nom équivalent en .BRAND permet une amélioration du référencement du site web avec les moteurs de recherche et couterait moins de 5$.
Il est important de sensibiliser les internautes à l’utilisation d’un .BRAND puisque très peu ont été informé du concept des nouvelles extensions.
Nous avons pu observer récemment lors de la coupe du monde de football, Mac Donalds qui a communiqué sur www.mcd.com, et ceci n’est qu’un pas vers l’extension .MCD.
Une fois que les éléments de base de la stratégie en ligne ont été définis, les détenteurs d’un .BRAND pourront concentrer leurs efforts sur l’optimisation des moteurs de recherche et sur leurs budgets réservés au Pay Per Click (PPC) en se basant sur leurs nouveaux noms de domaine.
Il est important d’observer que, bien que le PPC puisse apporter des résultats positifs rapidement, ils peuvent également entraîner d’importants budgets. De plus, il est important que les efforts réalisés pour promouvoir une nouvelle extension n’entravent pas ou n’ajoutent pas de confusion avec les campagnes web déjà existantes. Les campagnes pour l’optimisation du moteur de recherche montrent souvent des améliorations progressives sur des périodes de 6 à 12 mois, aussi il est nécessaire de démarrer ces campagnes au plus vite.
Le prochain .round
Bien qu’aucune date ne soit dévoilée au sujet du prochain épisode des nouvelles extensions, les marques et détenteurs d’un .BRAND doivent commencer à s’y préparer dès à présent.
Les détenteurs d’un .BRAND qui ont déjà leur extension déléguée ne doivent pas rester inactifs et ainsi voir leur avantage concurrentiel disparaître.
Quant aux marques qui souhaitent présenter leur candidature au prochain tour, elles doivent mettre en place un planning dès maintenant afin d’être sûres qu’une fois leur nom de domaine délégué, elles soient prêtes à lancer leur stratégie marketing.
Enfin, les marques qui n’ont pas l’intention de réserver des nouvelles extensions devraient rester en éveil car, sans aucun doute, ce nouvel espace de nommage offert aux marques affectera leur stratégie de nommage, leur parc de noms de domaine et leurs messages marketing.
*Les marques mentionnées dans cet article sont citées uniquement à titre d’exemple.