Le mois dernier se tenait à Washington DC le 77ième sommet de l’ICANN, l’instance de régulation d’Internet. Ce second sommet de l’année 2023 a une nouvelle fois été riche en termes de réunions et d’échanges avec pas moins de 90 sessions tenues sur quatre journées.
Retour sur des faits marquants de cette édition.
Des travaux qui aboutissent
Si des sommets de l’ICANN ont souvent laissé une impression mitigée en raison de la multitude des sujets débattus et de processus alourdis par l’approche consensuelle recherchée par l’organisation, on peut saluer le fait que l’ICANN77 a été marqué par l’aboutissement de plusieurs d’entre eux à commencer par la Registration Data Consensus Policy.
En mai 2018, l’ICANN appliquait à la hâte une Spécification Temporaire à toutes les parties prenantes avec un train de mesures directement liées au RGPD que l’Union Européenne venait d’appliquer. Parmi ces mesures, le masquage des données personnelles dans les bases d’enregistrement des noms de domaine génériques a vu le jour. Ce train d’obligations était prévu pour une année reconductible et devait être remplacé par un cadre pérenne. L’instance en charge des politiques des noms génériques, le GNSO a donc rapidement convoqué un processus de développement de nouvelles politiques, un PDP, qui a été divisé en plusieurs chantiers. Sa phase 1 concernait justement le cadre obligataire pérenne recherché. De ce chantier est issu la Registration Data Consensus Policy qui est désormais finalisée. Ce travail a été allongé car le sujet des données personnelles sur les noms de domaine recoupe beaucoup d’autres textes (21 politiques en tout) qui ont aussi été révisés. Si les acteurs doivent disposer d’au moins 18 mois pour appliquer la nouvelle politique, à terme des aspects liés à la collecte, au traitement et à la conservation des données personnelles liées aux noms de domaine vont être altérés.
La phase 2 concerne la création d’un système standardisé d’accès aux données personnelles masquées sur les contacts des noms de domaine pour des besoins qualifiés de légitimes comme par exemple des investigations en lien avec la cybercriminalité. Celle-ci a abouti à la création d’un prototype qui va être déployé à la rentrée de cette année. Ce prototype doit permettre à horizon de deux années à l’organisation de valider le développement ou non d’un outil global pérenne. C’est donc une étape que l’on peut qualifier de raisonnable car prudente. Il eût en effet été hasardeux de développer un système globalisé particulièrement onéreux dont l’utilisation était incertaine. Mais ce sujet est aussi directement corrélé à l’état d’exactitude des données. A quoi bon demander l’accès à des données de contacts masquées si elles ne sont pas fiables ?
Sur ce sujet, ICANN a initié en 2021 un chantier sur l’exactitude des données d’enregistrement. Mais ICANN a buté sur le fait que pour évaluer l’exactitude des données il fallait disposer d’une base légale pour accéder aux données. Cela a obligé l’instance à mettre ce chantier en pause depuis novembre 2022 où des négociations ont débuté pour créer un Data Protection Agreement, un accord sur la protection des données entre l’ICANN et les parties prenantes.
Deux amendements contractuels en 2023
Sur le volet contractuel, on notera que les contrats liant ICANN avec les opérateurs de registres d’une part et les bureaux d’enregistrement d’autre part sont en passe, et ceci est inédit, d’être amendés deux fois dans la même année. En effet, une première révision va entrer en application le mois prochain pour organiser une transition entre le protocole Whois et son successeur, le protocole RDAP. La seconde sur le point d’être mise au vote des parties prenantes, vise à renforcer la lutte contre les abus du DNS. On pourra se rappeler sur les abus du DNS que ce sujet a longtemps fait partie des marronniers des sommets de l’ICANN dans le sens où il a été débattu pendant plusieurs années sans jamais aboutir faute de consensus. Une obligation de lutte contre ces atteintes n’a donc jamais été aussi proche d’être inscrite dans les contrats.
ICANN recherche son futur visage
Autre fait inédit, on se souviendra que le 21 décembre de l’année dernière, ICANN annonçait le retrait de Goran Marby son président. C’est Sally Costerton qui a endossé la responsabilité en étant désignée dans la foulée présidente par interim de l’organisation. Cette dirigeante expérimentée qui jouit déjà d’une dizaine d’années d’expérience dans l’organisation, si elle a logiquement été très observée lors de l’ICANN76, elle a aussi été bien accueillie par la communauté. Elle s’est en effet appropriée les sujets très rapidement et s’est montrée très volontariste pour faire avancer les sujets. L’ICANN77 a été l’occasion de proposer une session appelée Comité de recherche d’un nouveau président de l’ICANN. C’est le profil du futur président qui y a été dressé ainsi que ses huit responsabilités : la gestion de la fonction IANA, le développement des nouvelles politiques du système DNS, le programme des nouvelles extensions génériques, le management stratégique, la gestion de l’instance de gouvernance, l’engagement et les échanges au sein de la communauté, la gestion de la responsabilité et bien entendu le rôle de représentant de l’instance. La perspective donnée pour la désignation de ce futur visage de l’ICANN se situe au second trimestre de 2024.
Le prochain round de nouvelles extensions génériques au centre des attentions
Comme souvent lors des sommets de l’ICANN, le sujet de la prochaine série de nouvelles extensions génériques a été au menu de la plupart des échanges. Le fait que la précédente fenêtre de candidatures remonte au début de l’année 2012 n’y est évidemment pas étranger. Lors de son premier sommet en tant que présidente de l’ICANN, Sally Costerton avait d’ailleurs bien fait avancer ce sujet puisque l’ICANN76 s’était conclu par l’adoption par le Conseil d’administration de l’ICANN de 98 des 136 recommandations issues du processus de développement de nouvelles politiques en vue de la prochaine série. 38 recommandations restent donc sur la touche afin d’être clarifiées, travail qui est en cours et dont l’aboutissement doit intervenir au second semestre de cette année. En parallèle, l’implémentation des autres recommandations et la révision du guide de candidatures viennent de débuter. Néanmoins deux autres sujets complètent ce tableau : la possibilité de créer des extensions génériques fermées, sorte de modèle similaire aux extensions de marques mais qui serait rendu possible pour des termes génériques et la révision des politiques pour les extensions et les noms de domaine internationalisés, c’est-à-dire dans les langues natives. Le premier sujet devrait prochainement être mis sur orbite via un processus de développement de nouvelles politiques prévu sur près de deux années. Quant au second, son processus de développement de politiques pourrait durer jusqu’en novembre 2025.
Lors du round de nouvelles extensions génériques de 2012, les extensions et les noms de domaine internationalisés étaient déjà fortement mis en avant comme un vecteur de succès de ce processus alors novateur. C’était toutefois sans compter sur l’acceptation universelle encore balbutiante et qui a heureusement fait de notables progrès depuis. Le protocole RDAP pour les données d’enregistrement était lui aussi déjà considéré comme une alternative au Whois à implémenter avec le programme des nouvelles extensions génériques. Ce dernier n’est finalement en passe de supplanter le Whois qu’au terme d’une période de transition à venir de 18 mois. Quant aux extensions génériques fermées, elles étaient elles aussi considérées en 2012 mais abandonnées faute de consensus. Elles pourraient finalement voir le jour sous des modalités à définir lors de la prochaine série. Quant aux abus du DNS, autre sujet débattu pendant des années, il est aussi en passe d’aboutir à des obligations supplémentaires qui vont concerner les registres comme les bureaux d’enregistrement.
Si Nameshield vous propose dès à présent des solutions pour vous accompagner sur les atteintes à vos actifs en ligne et vos projets de nouvelles extensions, on pourra noter que les obligations qui incombent aux sociétés qui gèrent des noms ne cessent de s’accroitre mais aussi qu’avec l’ICANN les sujets finissent presque toujours par aboutir.
Rendez-vous à Hambourg en octobre pour l’édition ICANN78.
Source de l’image : Site de l’ICANN