ICANN73 ou la difficile équation de préserver un modèle fragilisé

ICANN73 ou la difficile équation de préserver un modèle fragilisé

L’ICANN garante d’une « résolution universelle » de l’Internet pour tous les internautes, est ces dernières années confrontée à des difficultés nouvelles qui fragilisent l’instance et son modèle. Son mode de fonctionnement a dû être adapté à une pandémie mondiale inédite et son modèle d’un Internet global est aujourd’hui questionné par les velléités croissantes d’États de s’émanciper de ce dernier, le conflit tragique en Ukraine éloignant un peu plus l’Oural des Rocheuses. Mais les difficultés viennent aussi de son environnement immédiat avec l’essor des racines alternatives. C’est dans ce contexte et suite à une précédente édition marquée par des crispations autour des sujets qui font son actualité et qui peinent à avancer, que s’est ouvert un 73ième sommet très attendu.

Une fois n’est pas coutume, le coup d’envoi du 73ième sommet de l’ICANN n’a pas été donné un lundi, jour prévu pour les premières sessions de travail. Le dimanche 6 mars, l’ICANN a en effet publié un communiqué indiquant que son conseil d’administration a décidé d’allouer une somme initiale de 1 million de dollars US d’assistance financière afin de soutenir l’accès à l’infrastructure Internet dans les situations d’urgence de l’Ukraine. Une façon de lancer une édition où le conflit en Ukraine allait forcément être présent dans tous les esprits et dans bien des débats.

Le conflit en Ukraine en filigrane

En effet le lundi après-midi la toute première session plénière du sommet, celle du GAC, l’instance représentant les gouvernements, a débuté sur une condamnation des actions de la Russie en Ukraine. Plusieurs membres du GAC dont celui de la France ont pris la parole.

Deux semaines plus tôt, l’Ukraine était en proie aux premières frappes russes. L’Ukraine par la voie de Mykhailo Fedorov, Vice premier ministre et ministre de la transformation numérique avait alors demandé à l’ICANN de cibler l’accès de la Russie à l’Internet en révoquant les domaines de premier niveau des codes pays spécifiques opérés depuis la Russie, la révocation des certificats SSL associés aux noms et à fermer un sous-ensemble de serveurs racines localisés en Russie. Une demande à laquelle ICANN avait répondu par la négative dans une lettre adressée par Goran Marby, patron de l’ICANN, au Ministre rappelant que la mission de l’ICANN était de prendre des mesures pour assurer un fonctionnement de l’Internet global et non politisé. L’ICANN est une instance neutre a ainsi répété Goran Marby lors du Forum public qui clôturait le sommet.

Des perspectives pour les processus de développements de politiques en cours

On se souviendra que lors du précédent sommet de l’ICANN, les crispations étaient palpables dans certaines instances, notamment celle représentant les registres en raison de processus de développements de politiques qui se sont allongés avec des étapes additionnelles comme les ODP (Operational Design Phase) qui interviennent désormais entre la restitution des recommandations et le vote du Board sur ces dernières.

Le premier sujet qui a essuyé les plâtres de cette étape ODP est celui du Système Standardisé d’Accès aux Données. Ce système connu sous l’acronyme SSAD est en discussion depuis plus de trois années dans le cadre d’un processus de développement de politiques dit ‘ePDP’ dont le SSAD est corrélé à la phase 2. Il doit permettre de revenir à un modèle d’accès plus uniforme aux données d’enregistrement des noms de domaine lors de demandes légitimes. Pourtant l’ODP qui vient d’être finalisée avec six mois de délai par rapport au calendrier initial estimé, a mis en lumière la difficulté de cadrer ce projet. Le nombre d’utilisateurs est en effet estimé entre 25 000 et 3 millions pour adresser 100 000 à 12 millions de requêtes, des valeurs qui induisent une fourchette de coûts de mise en place et de maintenance particulièrement large (de 34 à 134 millions de dollars US) et par conséquent des frais d’accès au futur système très difficiles à évaluer, l’idée étant de financer le dispositif exclusivement avec les coûts d’accès. Lors de l’ICANN73 une porte de sortie a pointé son nez : Créer un projet pilote pour limiter les risques, en d’autres termes envisager un SSAD à échelle réduite avant de considérer la suite.

On a pu noter que la phase 1 de l’ePDP précité a désormais une ligne d’arrivée. Elle est estimée à fin 2022. Cette phase vise à créer une politique pérenne pour remplacer une Specification Temporaire qui adressait le RGPD dans l’écosystème des noms de domaine en 2018.

L’autre grand sujet est celui d’une prochaine série de nouvelles extensions génériques. Rappelons en effet que la précédente série va fêter ses dix années en 2022. Depuis, c’est un processus de développement de politiques (PDP) qui s’est étiré de décembre 2015 à février 2021 où l’instance représentant les politiques génériques, le GNSO, avait adopté le rapport final de recommandations. En septembre dernier, le Board ICANN a décidé d’engager un processus ODP qui pourrait durer jusqu’au début de l’année prochaine. Ce sujet a suscité de vives critiques car la ligne d’arrivée semble repoussée de plus en plus alors que dix années se sont écoulées depuis le dernier round. Une piste a néanmoins été discutée lors de l’ICANN73, celle de débuter les travaux d’implémentation sans tarder, une proposition qui, si elle a plutôt déplu au patron de l’ICANN, a été accueillie plutôt positivement par le Board de l’ICANN qui pourtant ne devrait se prononcer sur les recommandations du rapport final du processus PDP qu’après la fin de l’ODP.

Aspects géopolitiques, législatifs et règlementaires, une nouveauté

Parmi les nouveautés de ce sommet, on a pu noter une session plénière consacrée aux aspects géopolitiques, législatifs et règlementaires. Cette session a permis de faire un tour d’horizon des nombreuses initiatives qu’elles viennent d’institutions comme l’Organisation des Nations Unies, l’Union des Télécoms Internationale, du Conseil de l’Europe ou de l’OCDE ou d’Etats comme la Russie avec la loi de souveraineté numérique ou la Chine avec la loi sur la Cybersécurité et la sécurité des données. Cette session a également permis de clarifier des perceptions comme la position de l’ICANN sur la directive européenne NIS2. Goran Marby a indiqué que l’ICANN n’a pas de position officielle sur ce sujet.

Le retour du GDD summit ?

Jusqu’en 2019, l’ICANN proposait en plus des trois sommets consacrés aux politiques, un sommet plus opérationnel appelé GDD Summit. Ce dernier a été abandonné dans le contexte de pandémie mondiale et n’a depuis plus été évoqué. La possibilité de relancer ce dispositif a été remise sur la table lors de l’ICANN73. Il pourrait donc y avoir un quatrième rendez-vous annuel donné par l’ICANN dès la fin de cette année, novembre ayant été évoqué pour sa possible tenue. Il y aura néanmoins d’ici là, l’ICANN74 en juin et l’ICANN75 en septembre, deux événements où le mode hybride, présentiel et distanciel, tient la corde.

Commentaires Nameshield

L’ICANN 73 a indéniablement été marqué par le conflit en Ukraine. Un conflit qui paradoxalement a permis de retrouver un semblant d’unité avec l’esquisse de solutions comme le fait de permettre aux bureaux d’enregistrement ukrainiens de déroger aux politiques ICANN via un dispositif dit de « circonstances extraordinaires » et de rappeler l’ICANN à ses fondamentaux, une instance apolitique œuvrant pour un Internet global. En dressant un panorama des contextes géopolitiques, législatifs et règlementaires, l’instance semble également avoir pris conscience que le monde à venir risque de rendre la préservation de son modèle d’un Internet globalisé encore plus difficile. Le sentiment après ce sommet est que des propositions et perspectives plus concrètes ont été données sur une partie des sujets débattus.

On notera pour le prochain round, que c’est la menace des racines alternatives au DNS qui se développent qui pourrait donner un coup de boost inattendu au processus en cours. Ces racines qui tendent en effet à se développer pourraient occasionner des collisions entre requêtes si un jour des TLDs identiques cohabitent dans deux environnements, risque d’autant plus accru si ICANN marque le pas sur un futur round. Autre risque : se voir contester l’attribution de TLDs règlementaires alors qu’un TLD identique existerait sur une racine alternative.

[REPLAY WEBINAR] Créez votre extension Internet : les clés pour performer votre nouveau gTLD

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Retrouvez sur la plateforme Webikeo, le replay du webinar « Créez votre extension Internet : les clés pour performer votre nouveau gTLD », animé par Arnaud Wittersheim, Responsable projets nouveau gTLD  – Responsable compliance de Nameshield et membre du CA de l’AFNIC,  avec la participation de Stefan Pattberg, Managing Director de DENIC Services.

Au programme de ce webinar, les experts aborderont :

  • Un panorama des politiques ICANN
  • Une revue des fonctions essentielles d’un gTLD
  • Un focus sur la fonction d’agent de séquestre avec DENIC Services
  • Des leviers de succès d’un gTLD à considérer

Nouvelle fiche : 5 minutes pour comprendre qui gère Internet

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Il existe une multitude d’intervenants qui participent à la gestion du réseau des réseaux !
Sa gestion relève d’un réseau pluripartite décentralisé et international de groupes autonomes provenant de la société civile, du secteur privé, des gouvernements, des communautés académiques et scientifiques ainsi que des organisations nationales et internationales.

Découvrez dans cette fiche « 5 minutes pour comprendre », disponible en téléchargement sur le site de Nameshield, qui gère Internet, quels sont les rôles de l’ICANN, des registres et des registrars.

ICANN71 : Le GAC au centre des attentions

ICANN71 : Le GAC au centre des attentions - Nameshield
Source de l’image : Site Internet icann.org

Quelques 56 sessions étaient planifiées du 14 au 17 juin dans le cadre du 71ième sommet de l’ICANN prévu à La Haye. Tenu une nouvelle fois exclusivement en visio-conférences en raison du contexte sanitaire mondial, pas moins d’un quart de ces sessions étaient organisées par le GAC, le comité consultatif gouvernemental qui conseille l’ICANN sur des dossiers de politiques publiques en rapport avec les responsabilités de l’ICANN sur le système des noms de domaine. Le GAC très actif sur tous les sujets d’actualité des politiques ICANN s’est clairement démarqué.

Le GAC revendique actuellement 179 membres soit une majorité des pays du monde. Cela lui donne une bonne représentativité à l’échelle globale pour parler à une instance de gouvernance globale. Très organisé, le GAC fait précéder les rendez-vous ICANN de réunions préparatoires qui permettent de recueillir les avis à des échelles locales afin de les relayer ensuite au niveau de l’instance de gouvernance. Une nouvelle fois, ce sommet a mis en lumière le fait que l’actualité des politiques ICANN est fournie.

La lutte contre les pratiques malveillantes sur le DNS

Le sujet des abus est presque devenu un marronnier des sommets de l’ICANN car il est au centre des sujets de préoccupations depuis bientôt deux années. Si les registres et les bureaux d’enregistrement sont déjà soumis à une batterie d’obligations sur ce sujet, beaucoup de parties prenantes considèrent que celles-ci sont insuffisantes pour réellement adresser ce sujet. L’année 2020 a effectivement vu les atteintes de cybersécurité exploser, en se greffant notamment sur la pandémie mondiale qui a vu la consommation encore davantage se faire via le web, notamment en raison des confinements et où les modes de travail ont dû être réinventés pour privilégier le distanciel. Force est de constater qu’à l’heure actuelle peu de choses ont avancé.

Une initiative fouillée et riche de propositions a bien été formulée par le SSAC (Security and Stability Advisory Committee) qui, dans ses 24 recommandations transmises au Board ICANN, a émis l’idée d’engager un processus de développement de politique « expéditif » (ePDP) avec pour finalité de développer une anti-abuse policy. Leur rapport transmis au Board il y a trois mois, n’a pas eu de suites à ce jour. La seconde initiative plus récente, émane de l’arcane représentant les registres, le Registry Stakeholder Group (RySG). Elle a finalisé avec l’input du GAC un cadre visant en particulier les botnets, des attaques qui utilisent des formes de chevaux de Troie pour prendre le contrôle d’ordinateurs pour former des réseaux d’ordinateurs qui permettront de perpétrer d’autres attaques. Son principe est de permettre aux registres volontaires d’adhérer à un dispositif qui les oblige à bloquer préventivement des noms en masse générés via des DGA (Domain Generation Algorithms), des algorithmes utilisés pour générer périodiquement un grand nombre de noms de domaine pouvant être utilisés comme points de rendez-vous avec leurs serveurs de commande et de contrôle. Le grand nombre de points de rendez-vous potentiels fait qu’il est difficile pour les forces de l’ordre de contrer efficacement les botnets, puisque les ordinateurs infectés tenteront de contacter certains de ces noms de domaine chaque jour pour recevoir des mises à jour ou des commandes. Le principe est donc ici préventif. Les registres bénéficieraient en contrepartie d’incentives et ne seraient pas redevables de la taxe perçue par ICANN lors de la création d’un nom. Une initiative donc plutôt à saluer mais portée plus directement par le RySG et donc non consensuelle, d’où son caractère volontaire et donc une portée très limitée.

Si le sujet du DNS abuse patine autant c’est que ce sujet est confronté à d’autres processus de développements de politiques en cours et à venir et à des intérêts divergents entre instances, l’Intellectual Property Constituency (IPC) étant par exemple très concernée par l’accès aux données de contacts dans les annuaires de noms de domaine, le RySG par le lancement du prochain round de nouvelles extensions qu’ils veulent voir avancer.

L’impact du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) sur les données d’enregistrement des noms de domaine

Rappelons que pour remplacer la Specification Temporaire, mise en place le 17 mai 2018 à quelques jours de l’application du RGPD, un processus ePDP a vu le jour. Ce processus qualifié d’expéditif a paru pourtant assez loin d’être finalisé lors de ce nouveau sommet ICANN, alors que trois années ont passé.

Segmenté en trois phases, la phase 1 vise à fournir une policy pérenne qui doit cadrer la gestion des données personnelles des noms de domaine pour remplacer la Specification temporaire qui a notamment expurgé les données personnelles des annuaires de noms de domaine (via les protocoles Whois et RDAP). Sa rédaction avance mais aucune date n’est connue quant à sa finalisation et donc possible implémentation. Le délai est en partie lié à la difficulté de transcription de certaines recommandations dont l’une était notamment en conflit avec une politique en place, la Thick Whois Transition Policy qui prévoit un transfert systématique des données de contacts détaillées des bureaux d’enregistrement vers les registres. Autre écueil : la politique recoupe comme on le voit, d’autres politiques en place qui nécessitent donc des adaptations également en cours.

La phase 2 concerne la mise en place d’un système harmonisé d’accès aux données expurgées des annuaires de noms pour les intérêts « légitimes ». Ce système est aujourd’hui connu sous l’appellation Système Standardisé d’Accès aux Données (SSAD). Premier écueil : le Generic Names Supporting Organization (GNSO), l’entité qui élabore les politiques applicables aux noms génériques, avait à la surprise générale approuvé toutes les recommandations du rapport final, même celles qui n’avaient pas obtenu de consensus. Les recommandations pour créer ce dispositif ont donc toutes été transmises au Board ICANN qui plutôt que de se prononcer et de voter sur l’application de celles-ci, a décidé d’initier d’abord une Operational Design Phase (ODP). Initiée fin mars par le Board, elle doit durer six mois et vise à identifier les étapes, les risques, les coûts et ressources à allouer avec une consultation de la communauté après franchissement d’un jalon. C’est donc une forme de cadrage de projet. La publication d’une Request for Information, est prévue en juin pour une première consultation de la communauté.

Une phase 2a, strate additionnelle du PDP, vise à évaluer la piste d’une dissociation des données de contacts de personnes morales publiables et de personnes physiques non publiables. Initiée en décembre 2020, elle a abouti à cinq recommandations dans un rapport initial ouvert à commentaires jusqu’au 19 juillet 2021. La première recommandation très commentée lors de l’ICANN71, préconise finalement de ne rien changer en permettant aux acteurs qui le veulent de faire cette différenciation. Ce processus va poursuivre son chemin avec un rapport final de recommandations qui va arriver au second semestre.

Point commun entre les deux sujets précités, le GAC considère que des améliorations sont nécessaires. Sur le SSAD, il considère notamment que le système ne va pas assez loin pour protéger les consommateurs et augmenter leur confiance. Il regrette aussi que l’évolution du dispositif dans le temps n’ait pas été cadrée et craint que le coût, l’accès se faisant avec un dispositif d’accréditation, ne soit dissuasif notamment pour ceux engagés dans la lutte contre les atteintes à la sécurité qui ont besoin d’accéder aux données d’enregistrement des noms. Sur le DNS abuse, le GAC réitère le besoin d’adresser ce sujet. Il a déjà fait plusieurs propositions lors de précédents sommets.

Et le prochain round dans tout ça ?

Sujet qui intéresse beaucoup de monde, le prochain round n’a toujours pas de date. Tout juste a-t-on appris que le Board ICANN qui vient de récupérer les derniers inputs sur les recommandations en vue d’un prochain cycle de nouvelles extensions, a confirmé engager une Operational Design Phase (ODP) pour estimer les étapes, risques et ressources nécessaires pour mettre en œuvre ces recommandations. Pas encore planifiée, le Board a indiqué avoir demandé à ICANN org de préparer un document pour cadrer l’ODP qui permettra d’élaborer la résolution qui doit l’officialiser. Cette résolution fixera un délai pour réaliser cette ODP, possiblement six mois comme pour celui visant le SSAD. 

Le GAC a pour sa part rappelé les sujets qui préoccupent plus spécifiquement ses membres. Parmi celles-ci : la prévisibilité, les engagements volontaires et obligatoires des registres (Registry Voluntary Commitments, Public Interest Commitments) avec notamment la façon d’adresser le DNS abuse, son souhait de voir le support aux nouveaux candidats mieux adapté notamment pour les zones moins favorisées, son opposition aux extensions génériques fermées, la consolidation de sa faculté à évaluer toutes les candidatures pour émettre des avis et warnings, son opposition aux enchères privées pour départager des candidats à une même extension. Il souhaite également un soutien aux applications communautaires à but non lucratif.

D’autres sujets portés par le GAC décidément très engagé

D’autres processus de développement de politiques sont en cours, comme celui concernant les Identifiants d’Organisations Gouvernementales et Non gouvernementales (IGO, INGO), un processus sur les mécanismes de protection des droits ou en phase initiale un PDP sur les transferts de noms et sur la rampe de lancement un PDP sur les IDNs. Le GAC n’a pas manqué de rappeler le sujet central de l’exactitude des données d’enregistrement jugé insuffisamment adressé par les obligations actuelles. Ce sujet va en effet s’avérer central dans la perspective des futures directives NIS2 et du Digital Services Act en cours d’élaboration au niveau européen. Le GNSO interpelé par le GAC sur l’examen de ce sujet, qui n’a en vrai pas réellement démarré, en est venu à s’excuser d’avoir trop de sujets en cours. Des tensions que le GNSO a cherché à apaiser en consacrant du temps pour examiner sa liaison avec le GAC pour l’améliorer, un GAC décidément offensif et actif.

Quid des prochains sommets

Les sommets ICANN se terminent généralement par un forum public où le public peut interpeler directement le Board. Signe d’une amélioration (temporaire ?) de l’état sanitaire sur le covid, le traditionnel forum a été consacré aux futurs sommets ICANN pour savoir s’ils doivent repasser en présentiel. De cette session, il est ressorti que la réponse n’est pas évidente. En cause, la différence des niveaux de vaccination et d’accès aux vaccins selon les pays, les conditions d’entrée aux USA actuellement restreintes, ICANN72 se tenant à Seattle et l’évolution de la pandémie qui reste incertaine. Ce forum a permis de commenter une récente enquête conduite par ICANN qui montre que la majorité des personnes intéressées par les événements ICANN ont considéré qu’il faudrait refaire des meetings en présentiel (54%). A la fin de cette session, ICANN s’est engagé à arbitrer courant juillet. Le format de l’ICANN72 pourrait être hybride, à savoir une représentation limitée sur place et le maintien du dispositif en distanciel.

Fait notable de ce sommet, beaucoup de sujets en cours et une impression que les choses avancent difficilement. Cela s’est traduit par de notables crispations entre instances et des mécontentements exprimés par exemple par le groupe des représentants d’extensions géographiques, les geoTLDs. Si pour certains, le retour en présentiel semble être la solution pour améliorer les choses, par notre présence dans certaines instances et notre participation à des groupes de travail, nous  pensons que c’est plutôt un problème de visibilité dû à un trop grand nombre de sujets lancés en parallèle dont certains se chevauchent via des processus lourds avec un manque clair de priorisation. L’ODP, ce nouvel outil qui vise à cadrer la mise en place d’un système harmonisé d’accès aux données d’enregistrement et désormais appliqué au prochain round, va peut-être améliorer en partie ces perceptions. Autre aspect à considérer, des intérêts divergents entre instances. Là les échanges facilités peuvent peut-être améliorer les choses.

ICANN70 : Au croisement de différents processus de développements de politiques

Prévu initialement à Cancun au Mexique comme l’ICANN67, le récent sommet sur la gouvernance de l’Internet a une nouvelle fois été réalisé entièrement en visio-conférences du fait de la situation sanitaire mondiale. Les PDP, les processus de développements de policies ont été le fil conducteur de ce sommet.

ICANN70
Le sommet ICANN70 a été le quatrième sommet à distance

Le PDP, Processus de développement de policies, est le mécanisme central communautaire utilisé par le Gnso (Generic Names Supporting Organization), l’organe responsable du développement des politiques concernant les noms de domaine génériques, pour proposer de nouvelles obligations et réviser des règles en vigueur pour les actualiser. Chaque PDP se traduit par une série de rapports qui en fin de parcours sont transmis au Conseil d’administration de l’ICANN, le Board ICANN, qui statue sur le devenir des recommandations qu’ils contiennent. 

Le PDP sur les nouvelles extensions génériques

C’est avec ce mécanisme qu’ICANN a lancé un programme de nouvelles extensions génériques qui a conduit à 1930 demandes au printemps 2012 et 1233 extensions déléguées à fin 2020. L’opportunité de considérer un nouveau cycle de candidatures a été matérialisée par un PDP initié par le Gnso fin 2015. Cinq années plus tard, ce processus qui vise à revoir et améliorer les recommandations du Gnso pour le cycle de 2012 est entré dans sa dernière ligne droite. C’est en effet désormais au Conseil d’Administration de l’ICANN de statuer sur les recommandations des groupes de travail qui ont œuvré sur ce PDP. Le Conseil d’Administration devrait lancer une dernière phase de consultations de la communauté avant de se prononcer sur la suite de leurs travaux. La communauté attendait une annonce en ce sens pour ce sommet ou peut-être même un calendrier pour baliser les prochaines étapes jusqu’à un prochain cycle de candidatures mais force est de constater que les espoirs ont été déçus. En effet il n’y a pas eu d’annonces, même si l’on sait que la perspective d’un futur cycle de candidatures se rapproche désormais à grands pas. En ce qui concerne le contenu des recommandations cette fois, les éléments discutés principalement lors de l’ICANN70 ont porté sur une pré-évaluation des futurs registres, l’amélioration de la prédictibilité pour évaluer les futures candidatures et l’amélioration du support des candidats.

Le PDP : Une solution pour sortir de l’impasse sur les usages malveillants du DNS ?

Autre sujet, en lien avec la mise en œuvre du PDP précité, les usages malveillants du DNS, sujet communément désigné par DNS abuse.

La surveillance des pratiques malveillantes opérée par ICANN dans les noms génériques porte sur quelques 205 millions de noms dont à peine 11% sont issus du cycle d’extensions créées à partir de 2012. Le constat réalisé au travers de leurs analyses montre qu’un million de noms concentrent ces atteintes soit 0,5% d’entre eux. Autre fait notable, les nouvelles extensions sont davantage utilisées pour des pratiques malveillantes que les extensions génériques historiques comme les .COM, .NET, .ORG, .BIZ et .INFO. En effet ICANN a indiqué qu’en février 2021, 35% des atteintes à la sécurité venaient de noms créés dans les nouvelles extensions génériques contre 65% dans les extensions historiques, un ratio qui est même monté à 40% en novembre 2020. ICANN a aussi précisé que 90% des pratiques malveillantes dans les nouvelles extensions étaient concentrées sur 23 extensions. En ce qui concerne les types d’atteintes les plus répandues, le spamming intervient à 85%, le phishing (hameçonnage) à 8,4%, les botnets (des programmes malveillants qui opèrent des tâches à distance) à 3,9% puis les logiciels malveillants à 2,7%. Les nouvelles extensions génériques concentrent davantage de pratiques de spamming et de phishing. Si depuis désormais cinq sommets le DNS abuse est devenu un sujet central d’échanges entre instances représentants les parties prenantes de la communauté Internet, les positions divergent toujours sur les mesures à prendre pour juguler ces pratiques préjudiciables. Là encore les attentes de la communauté lors de ce sommet étaient donc importantes.

Le GAC, l’instance qui représente les gouvernements, a déjà supporté l’idée d’un PDP dédié sur ce sujet. Il plaide pour une approche holistique qui concerne toutes les extensions, existantes et futures. Il a beaucoup mis en avant le travail du SSAC, le Comité Consultatif sur la Sécurité et la Stabilité qui conseille la communauté et le conseil d’administration de l’ICANN sur les questions relatives à la sécurité et à l’intégrité des systèmes d’attribution de noms et d’adresses de l’Internet. Il a en effet publié un avis avant l’ICANN70 incitant le Board avant de lancer la prochaine série de nouveaux gTLDs à commander une étude sur les causes, les réponses et les meilleures pratiques pour l’atténuation des abus de noms de domaine qui prolifèrent dans les nouveaux gTLDs du cycle de 2012. A leur crédit également une série de recommandations transmises au conseil d’administration ICANN allant de la présence systématique d’experts de sécurité dans toutes futures négociations contractuelles à un processus ePDP (un processus de développement de politiques accéléré).  Quant au Gnso, il poursuit pour le moment les consultations sans écarter le recours à un PDP.

Et l’ePDP phase 1 et 2 sur l’accès aux données d’enregistrement

Autre sujet, autre processus PDP, l’ePDP en lien avec le RGPD pour l’accès aux données d’enregistrement des noms de domaine. Initié en 2018, il avait pour ambition de remplacer une disposition temporaire qui a consisté à expurger les données personnelles des données d’enregistrement librement accessibles des noms génériques. La phase 1 de l’ePDP, non finalisée à ce jour, doit permettre de remplacer les dispositions temporaires par des dispositions pérennes. La phase 2 vise à créer un système standardisé d’accès aux données pour les demandes légitimes communément appelé SSAD. Celle-ci est aujourd’hui arrivée en fin de parcours puisqu’elle est désormais entre les mains du Conseil d’Administration de l’ICANN après que le Gnso ait approuvé toutes les dispositions formulées par les groupes de travail qui ont travaillé sur ce sujet, même celles qui n’ont pas obtenu de consensus. Le Gnso a assumé cette prise de position sous prétexte qu’il fallait savoir prendre ses responsabilités et que les recommandations constituaient un tout, une entorse au processus de création de nouvelles politiques qui se veut normalement consensuel et qui a conduit l’ALAC (At-Large Advisory Committee) qui représente les utilisateurs finaux à exprimer des préoccupations, l’IPC (Intellectual Property Constituency) qui représente les intérêts de la communauté de la propriété intellectuelle allant même jusqu’à demander à ne pas poursuivre l’examen des recommandations. Du côté du Board ICANN, on a tout juste appris qu’ils lançaient une Phase de Design Opérationnelle pour considérer l’opérabilité du futur système. Il entend se positionner sur les recommandations dans un second temps.

Un nouveau PDP sur les politiques de transferts de noms

Un autre processus PDP a été officiellement mis sur les rails lors de l’ICANN70 pour réviser les règles de transferts de noms de domaine : transferts entre bureaux d’enregistrement et transferts entre deux titulaires. Ce dernier ambitionne de simplifier, sécuriser et de rendre plus efficace les transferts de noms. Un vaste chantier qui pourrait s’étendre sur plusieurs années…

Des préoccupations autour de la concentration du secteur

Indicateur des préoccupations de la communauté Internet, le forum public a cette année été marqué par de nombreuses questions autour de la concentration qui s’accélère parmi les acteurs des noms de domaine. Dernier en date Ethos Capital, une société de capital-investissement fondée en 2019 qui après avoir racheté l’opérateur du .ORG, PIR, vient de racheter Donuts qui gère pas moins de 242 nouvelles extensions génériques et qui avait récemment racheté Afilias qui est entre autre gestionnaire de l’extension .INFO. La communauté a exprimé des inquiétudes sur ces nouveaux acteurs dont les attentes ne sont pas nécessairement en phase avec l’un des totems de l’ICANN qui est de défendre la concurrence, la confiance et le choix des consommateurs. ICANN de son côté ne voit pas de problème dans ce phénomène devenu tendanciel car ces rapprochements déclenchent des procédures de contrôle très encadrées pour analyser et approuver les changements induits. 

L’ICANN70 a mis en avant le fait qu’ICANN se penchait sur de nombreux sujets potentiellement très impactant dans la gestion des noms de domaine, des sujets qui dans la plupart des cas sont sur le point de se matérialiser par de nouvelles politiques que Nameshield va mettre en œuvre pour ses clients. Au delà de ce cadre, Nameshield, acteur français indépendant, a déjà mis en place des solutions qui apportent des réponses à des problèmes auxquelles ces politiques doivent remédier. N’hésitez pas à vous rapprocher de votre conseiller avec votre besoin pour que nous puissions étudier ensemble les solutions que nous pouvons déjà y apporter.

Actualités du .ORG – ICANN rejette la vente du registre du .ORG à Ethos Capital

Extension .ORG - dot org - vente du registre du .org

La nouvelle est tombée le 30 avril dernier par le biais d’un communiqué de presse du Conseil d’administration de l’ICANN qui annonce avoir pris la décision de rejeter la vente de Public Interest Registry (PIR), le registre du .ORG, au fond d’investissement Ethos Capital.

Pour rappel, fin 2019 l’annonce de la vente du registre du .ORG à Ethos Capital avait créé un véritable débat et engendré de nombreuses craintes de la part de la communauté des ONG, notamment celles de voir les prix du .ORG augmenter et la mise en place de principes de protection des droits pouvant entraîner une forme de censure des ONG (Retrouvez l’ensemble des articles à ce sujet sur le blog.)

Mi-avril, alors que l’organisation devait décider d’approuver ou non la vente du registre, la transaction était toujours en attente, l’ICANN s’accordait un délai supplémentaire pour finaliser son examen, suite à la réception de nombreuses lettres d’opposition dont celle du procureur général de Californie, Xavier Becerra.

La décision de rejeter cette transaction a finalement été rendue jeudi 30 avril « en raison de divers facteurs qui créent une incertitude inacceptable sur l’avenir du troisième plus grand registre de gTLD. »

L’une des principales raisons de cette décision est le « changement de la nature fondamentale d’intérêt public de PIR à une entité qui est tenue de servir ses propres intérêts, et qui n’a pas de plan significatif pour protéger ou servir la communauté des .ORG ».

Parmi les motifs de ce rejet, il y a également la question du financement, puisque cette transaction risquait de compromettre la stabilité financière du registre. En effet, la vente proposée du registre changerait son statut actuellement à but non lucratif en une entité à but lucratif avec une obligation de dette de 360 millions de dollars, qui ne serait pas au profit de PIR ou de la communauté des .ORG, mais pour les intérêts financiers d’Ethos et de ses investisseurs.

Par ailleurs, la proposition de PIR de mettre en place un « Stewardship Council » qui visait à rendre l’entité plus responsable envers la communauté, n’a pas non plus convaincu l’ICANN. Selon l’organisation ce conseil « pourrait ne pas être réellement indépendant ».

La décision de l’ICANN est donc une victoire pour la communauté des .ORG et Electronic Frontier Fondation, qui n’en reste pas là et rajoute : « le registre du .ORG a encore besoin d’un gestionnaire fidèle, car l’Internet Society a clairement indiqué qu’elle ne voulait plus de cette responsabilité. L’ICANN devrait tenir une consultation ouverte, comme elle l’a fait en 2002, pour sélectionner un nouvel opérateur du domaine du .ORG qui donnera aux organisations à but non lucratif une véritable voix dans sa gouvernance et une garantie réelle contre la censure et l’exploitation financière ».

Actualités du .ORG – ICANN retarde à nouveau la vente du registre du .ORG

Extension .ORG - dot org - registre du .ORG - Blog Nameshield

Il y a quelques mois, nous avions évoqué dans des précédents articles, la vente par Internet Society, de Public Interest Registry (PIR), le registre du .ORG, à Ethos Capital, un fond d’investissement.

Le .ORG est l’extension de référence pour les organisations à but non lucratif et le registre du .ORG représente plus de 10,5 millions de domaines. L’annonce de la vente du registre avait pour rappel engendré de nombreuses craintes de la part de la communauté des ONG.

A la suite de ces plaintes, l’ICANN avait alors déjà retardé l’approbation de la vente du registre du .ORG à Ethos Capital demandant des informations supplémentaires à l’Internet Society.

Nouveau report de la vente du registre du .ORG à la suite de l’intervention du procureur général de Californie

Jeudi 16 avril, alors que le conseil d’administration de l’ICANN devait décider d’approuver ou non la vente du registre, il a finalement été décidé lors de cette réunion, d’un nouveau report au 4 mai 2020. La réception la veille d’une lettre du procureur général de Californie, Xavier Becerra, demandant à l’ICANN de rejeter la transaction, a été à l’origine de ce quatrième report. Il explique en effet qu’elle « soulève de graves préoccupations qui ne peuvent être négligées ».

« Habiliter une entité à but lucratif qui pourrait compromettre l’accessibilité et les coûts abordables du domaine du .ORG, servant des organisations à but non lucratif, devrait tous nous concerner » déclare le bureau du procureur au site The Register.

La nature secrète d’Ethos Capital inquiète

Dans sa lettre, le procureur a fait part de plusieurs préoccupations concernant la transaction, dont la nature secrète de l’acquéreur proposé, Ethos Capital : «On sait peu de choses sur Ethos Capital et ses multiples filiales proposées». Ethos Capital est critiqué pour sa structure inhabituelle (l’achat implique six sociétés différentes qui ont toutes été enregistrées le même jour en octobre 2019) et son manque de transparence concernant ses plans futurs.

Dans son avis publié jeudi dernier, l’ICANN affirme avoir écouté la communauté et avoir exigé une plus grande transparence ainsi que davantage de garanties de la part du PIR. Selon l’organisation, la lettre du procureur ne tient pas compte des récents travaux du PIR concernant les Public Interest Commitments, visant à rendre l’entité plus responsable envers la communauté. L’ICANN a demandé au PIR de renforcer ces engagements, un projet de révision des Public Interest Commitments a ainsi été fourni à l’ICANN.

Le comportement de l’ICANN et Internet Society critiqués

L’ICANN a également fait l’objet de plusieurs critiques tout au long du processus, notamment lorsqu’il est apparu que le personnel de l’organisation a poussé pour l’approbation de la transaction malgré l’opposition quasi universelle de la communauté Internet.

De plus, en début de semaine dernière, le premier PDG et fondateur de l’ICANN, Michael Roberts et la première présidente du conseil d’administration Esther Dyson ont écrit une lettre à Xavier Becerra critiquant cette transaction et reprochant à leurs successeurs d’abandonner les principes fondamentaux de l’ICANN.

Selon le procureur général, cette transaction aura un impact sur la réputation de l’ICANN au vu de la manière dont l’organisation a géré la situation.

Ce ne sont pas seulement l’ICANN et Ethos qui ont fait l’objet des critiques du bureau du procureur, Xavier Becerra reproche également à l’Internet Society d’avoir proposé la vente du registre du .ORG à Ethos Capital : « L’ISOC prétend soutenir l’Internet, mais ses actions, depuis la nature secrète de la transaction jusqu’à la recherche active du transfert du registre du .ORG à une entité inconnue, sont contraires à sa mission et potentiellement perturbatrices pour le même système qu’elle prétend défendre et soutenir ».

La lettre de Xavier Becerra ne menace pas l’ICANN de prendre des mesures si elle approuve la vente. Cependant, elle indique que le procureur général de Californie détient une autorité importante sur l’organisation et est prêt à agir, cette vente pouvant affecter des centaines de milliers d’autres organisations à but non lucratif.

«Compte tenu des préoccupations mentionnées ci-dessus, et sur la base des informations fournies, les intérêts du registre du .ORG et de la communauté Internet mondiale – dont font partie d’innombrables Californiens – seraient mieux servis si l’ICANN refusait d’approuver la vente et le transfert proposés du PIR et du registre du .ORG au fond d’investissement Ethos Capital. Ce bureau continuera d’évaluer cette question et prendra toutes les mesures nécessaires pour protéger les Californiens et la communauté sans but lucratif ».

Dans un avis publié jeudi dernier, l’ICANN a ainsi déclaré le report de sa décision : « Nous avons convenu de prolonger la période d’examen jusqu’au 4 mai 2020, afin de disposer d’un délai supplémentaire pour finaliser notre examen ».

Affaire à suivre !

Actualités du .ORG – Les ONG face à la vente du registre du .ORG à Ethos Capital

Extension .ORG - dot org - registre du .org PIR - Blog Nameshield

Fin 2019, l’annonce de la vente du registre du .ORG, Public Interest Registry (PIR) par l’Internet Society à Ethos Capital, un fond d’investissement, a créé un véritable débat, ce qui a été par ailleurs le sujet d’un précédent article de ce blog.

Pour rappel, cette annonce a engendré plusieurs craintes des ONG telles que de voir les prix du .ORG augmenter et la mise en place de principes de protection des droits pouvant entraîner une forme de censure des ONG, comme la pratiquent déjà certains pays. Ces peurs ont poussé l’EFF (Electronic Frontier Foundation) à lancer une campagne de sensibilisation sur l’impact potentiel de cette vente : SaveDotOrg. A ce jour, 846 organisations et 25 119 personnes ont signé cette pétition demandant à l’Internet Society de cesser la vente.

A la suite de ces nombreuses plaintes, l’ICANN a retardé l’approbation de la vente du registre du .ORG à Ethos Capital et a demandé des informations supplémentaires à l’Internet Society.

« Public Interest Commitments » : Les mesures proposées pour apaiser les préoccupations de la communauté du .org

En réponse à ces critiques, Ethos Capital et le Public Interest Registry tentent de rassurer en proposant la mise en place du « Public Interest Commitments » (PIC), des engagements assurant que l’augmentation tarifaire du .ORG serait limitée.

Parmi ces engagements, ils proposent également la création d’un « Stewardship Council » (un conseil pour la bonne gestion du .org) pouvant influencer les prises de décision du PIR et ainsi garantir le maintien de la liberté d’expression.

Ces engagements du PIC seraient ajoutés dans l’Accord du registre (Registry Agreement), contrat établi entre le registre et l’ICANN, relatif au fonctionnement du registre.

Un registre à but lucratif pour défendre des organisations à but non lucratif ?

Lors du dernier sommet de l’ICANN organisé à distance du 7 au 12 mars derniers en raison de la pandémie du Covid-19, plusieurs ONG dont l’EFF ont abordé ce sujet du rachat du registre du .ORG par Ethos Capital et ont interrogé l’ICANN sur leurs projets d’examiner ce changement de propriétaire.

Selon l’EFF, la création de ce conseil « Stewardship Council » ne répondra pas aux inquiétudes des ONG. En effet, les premiers membres de ce conseil seront directement ou indirectement sélectionnés par le PIR, et ce dernier disposera d’un pouvoir de veto pour s’opposer aux nouveaux membres, ce qui garantirait donc que ce conseil resterait en phase avec le PIR.

Concernant les prix du .ORG, selon les ONG, la mise en place du PIC n’assure pas une limitation de la hausse de prix. Une modification de l’accord du registre pourra être négociée à tout moment entre le propriétaire du registre et l’ICANN, malgré une opposition de l’opinion publique. C’est ce qui est arrivé en juin 2019, quand l’accord du registre du .ORG a été révisé pour réduire les droits des détenteurs du .org et supprimer le plafonnement des prix. L’ICANN a de plus indiqué en 2019, sa volonté de ne plus tenir le rôle de régulateur de prix, pourtant cette mise en place du PIC replacerait à nouveau l’ICANN dans cette position.

Par conséquent selon les ONG, ces « Public Interest Commitments » ne protégeraient donc pas suffisamment la communauté du .ORG.

Les questions des ONG sont restées sans réponse lors du dernier sommet ICANN, cette acquisition faisant encore actuellement l’objet d’un examen de la part de l’ICANN.

« Nous reconnaissons les questions et les préoccupations qui sont soulevées », déclare l’ICANN. « Pour apaiser ces préoccupations et maintenir la confiance dans la communauté « .org », nous exhortons PIR, ISOC et Ethos Capital à agir de manière ouverte et transparente tout au long de ce processus. […] Nous évaluerons de façon réfléchie et approfondie l’acquisition proposée afin d’assurer que le domaine demeure sûr, fiable et stable».

Affaire à suivre.

ICANN67 – COVID19 : 0-1

ICANN67 – COVID19 : 0-1 - Blog Nameshield
Source de l’image : geralt via Pixabay

Du 7 au 12 mars prochains devait se tenir à Cancún, au Mexique, le 67ième Sommet annuel de l’ICANN, un sommet consacré aux règlementations liées au nommage internet. Souvent désigné par l’acronyme ICANN67, c’est finalement un autre acronyme COVID19 qui désigne le désormais célèbre coronavirus qui a obligé ICANN à reconsidérer toute la logistique de cet événement.

Depuis 1999, ICANN organise tous les ans trois rendez-vous annuels consacrés aux règlementations applicables au nommage internet et un quatrième consacré à des aspects plus opérationnels, souvent désigné comme le GDD Summit (Global Domain Division Summit). Ces réunions sont l’occasion pour les participants de quelques 150 pays et quelques 2500 participants, d’échanger en direct sur les sujets brûlants liés au système de noms de domaine (le DNS).

Depuis quelques semaines l’attention mondiale s’est pourtant cristallisée sur un tout autre sujet : celui de la propagation en cours du coronavirus qui selon les derniers chiffres connus aurait contaminé quelques 75.465 personnes en Chine continentale et causé le décès de 2.236 personnes depuis son émergence en décembre à Wuhan, capitale de la province de Hubei. Si la Corée du Sud dépasse elle aussi désormais le cap des 150 cas confirmés, la liste des pays qui recensent des cas d’infection ne cesse de s’allonger. Ce sont en effet plus de 30 pays qui sont désormais dans cette situation.

Fort logiquement au cours des dernières semaines, dans les coulisses de l’organisation ICANN, le coronavirus remontait comme un sujet de préoccupation majeur pour les acteurs de l’industrie des noms de domaine. De plus en plus de participants potentiels évoquaient le fait de préférer ne pas se déplacer pour cet événement pourtant important pour eux, tandis que d’autres demandaient si la tenue de cet événement était pertinente dans un tel contexte. Des annulations récentes d’événements de même nature ont en effet fait écho à leurs doléances. Au début de ce mois, la GSMA, les organisateurs de la plus grande exposition de l’industrie mobile au monde, le Mobile World Congress 2020, avaient effectivement annulé l’événement après que plus de 30 exposants et sponsors se soient retirés en raison de l’épidémie. Le Festival Fintech de l’Inde (IFF 2020) organisé par le gouvernement du Maharashtra, le ministère de l’électronique et des technologies de l’information (MeitY), la National Payments Corporation of India (NPCI) et le Fintech Convergence Council a annoncé lui aussi cette semaine qu’il reporterait l’événement à un « moment plus approprié » en raison des problèmes liés au coronavirus. L’événement devait se tenir les 4 et 5 mars 2020.

Lors de la session du conseil d’administration de l’ICANN du 19 février, session qui a été rallongée d’une heure, ICANN a donc fini par trancher :

« Résolu (2020.02.19.01), en raison de l’urgence de santé publique de portée internationale posée par le COVID-19, des développements quotidiens en évolution, et du risque mondial élevé encore identifié, le Conseil d’administration charge le Président et le Directeur général de l’ICANN, ou ses représentants, de prendre toutes les mesures nécessaires pour ne pas tenir la réunion ICANN67 en personne à Cancún, au Mexique.

Il est résolu (2020.02.19.02), comme le Conseil d’administration a décidé de ne pas se rendre à Cancún, au Mexique pour l’ICANN67, que le Conseil d’administration ordonne au Président et au Directeur général de l’ICANN de remplacer  l’ICANN67 par la première réunion publique organisée à distance. »

Le communiqué du Board ICANN confirme ainsi que le sommet habituellement tenu en présentiel va pour la première fois être entièrement géré à distance avec des moyens encore à préciser.

Si la tenue d’un tel rendez-vous à distance est inédite, il est à noter que par le passé ICANN a déjà remis en question l’organisation des réunions pour des raisons similaires. En effet en juin 2016 par exemple, ICANN avait décidé de déplacer l’ICANN56 de Panama City à Helsinki en Finlande pour cause de virus Zika. La seule différence est que la décision avait pu être davantage anticipée.

C’est d’ailleurs pour cela que ICANN s’est déjà emparé du sujet pour la tenue des événements suivants l’ICANN67 : le GDD Summit prévu à Paris en mai puis l’ICANN68 prévu à Kuala Lumpur en Malaisie en juin.

Pourquoi la vente du registre du .ORG fait-elle débat ?

Extension .ORG - dot org - Blog Nameshield

En novembre 2019, un communiqué annonçait que le registre du .ORG, le Public Interest Registry (PIR), organisme sans but lucratif géré par l’Internet Society, allait être racheté par Ethos Capital, un fonds d’investissement.

Le .ORG est l’extension de référence pour les organisations à  but non lucratif. L’acquisition du PIR par Ethos a rapidement inquiété les structures utilisant le .ORG au motif du dévoiement potentiel de l’extension par son nouveau propriétaire qui, par essence même, a des visées lucratives.

La crainte ? Que les tarifs d’enregistrements et de renouvellements des noms de domaine en .ORG n’augmentent.

Pourtant, des personnalités clés du monde de l’Internet, comme Andrew Sullivan (directeur de l’Internet Society) se sont enthousiasmées, y voyant un partenariat stratégique fort et un apport financier important permettant à l’Internet Society de poursuivre sa mission d’un « Internet plus ouvert, accessible et sécurisé pour tout le monde », tel qu’il l’écrivait dans le communiqué relatif à l’acquisition du 13 novembre 2019.

Il semblerait que les peurs générées trouvent leur origine dans ce rachat « surprise » et peu transparent, puisque le montant de la transaction n’a pas été révélé.

Ces craintes se font bien sûr le corolaire de la suppression le 30 juin 2019 du plafond imposé jusqu’alors aux tarifs du .ORG (historiquement bas), par l’ICANN, malgré les nombreuses réserves émises par la communauté. Enfin, le fait qu’Ethos ait directement ou indirectement des liens étroits avec des anciens de l’ICANN posent problèmes à plusieurs voix du secteur.

La peur de voir les prix du .ORG flamber a poussé l’Electronic Frontier Foundation (EFF) à lancer la campagne SaveDotOrg dont le but est de sensibiliser au potentiel impact que pourrait avoir une augmentation tarifaire du .ORG sur les contraintes budgétaires des ONG.

La possibilité également qu’Ethos Capital mette ensuite en place un principe de protections des droits qui pourrait mener à une forme de censure, comme la pratiquent actuellement certains pays souhaitant faire taire des ONG.

Devant la levée de bouclier, l’ICANN a suspendu l’opération de rachat en décembre dernier et réclame des éclaircissements à l’Internet Society.

Plus récemment, en janvier 2020, un nouveau candidat à la reprise de l’extension .ORG vient de se faire connaître. Il s’agirait d’une société coopérative (Cooperative Corporation of .ORG Registrants) rassemblant certains pionniers du Web et d’anciens membres de l’ICANN.

Affaire à suivre !