Élément clé indispensable à tout échange de flux de données dématérialisé, le nom de domaine est devenu un actif immatériel stratégique de grande valeur. Selon les travaux académiques, il existe une corrélation réelle entre la qualité des actifs immatériels et la performance économique des entreprises. Identifier et évaluer les noms de domaine devient une nécessité pour le directeur financier. Explications dans La revue de la Société Française des Analystes Financiers (SFAF), de Jean-Manuel Gaget, directeur Stratégie et Consulting de la société Nameshield, membre fondateur et administrateur de l’Institut de Comptabilité de l’Immatériel.
Dans les années 1990, le nom de domaine était un élément accessoire
de la marque. Au fil de son expansion planétaire, il est devenu
l’élément principal de la marque, notamment dans le monde du e-commerce.
Il suffit de regarder comment Amazon ou Easyjet ont fait évoluer leur
logo pour le considérer comme vecteur de communication unique.
Le nom de domaine a cette particularité unique d’être un actif immatériel à 4 dimensions. Il est à la fois et en même temps :
- un objet informatique permettant d’accéder à des services sur Internet en faisant le lien entre l’adresse IP (constituée d’une suite de chiffres) d’un objet physique [ordinateur, serveur, smartphone…] et un nom littéral (rôle du Domain Name Server ou DNS) ;
- un outil de communication permettant d’asseoir son identité sur internet et conquérir un territoire digital ;
- un élément juridique par un contrat d’usage temporaire avec un registre internet ;
- un actif financier, comptabilisable en tant qu’actif incorporel dans certaines conditions.
Désormais élément clé indispensable à tout échange de flux de données dématérialisé, que ce soit pour l’envoi d’email, l’accès à des sites web, aux réseaux sociaux et aux objets connectés, tout échange de données sur internet passe par l’usage d’un nom de domaine et toute interruption de service a des conséquences importantes sur l’activité des organisations.
Pourquoi et comment noter son capital nom de domaine ?
Aujourd’hui, les travaux académiques, notamment portés par le référentiel français de mesure du capital immatériel Thesaurus Capital Immatériel, montrent une corrélation réelle entre la qualité des actifs immatériels et la performance économique des entreprises. Plus la qualité des actifs immatériels (capital humain, capital système d’information, capital client…) est forte et plus les fondamentaux de l’entreprise sont solides, durables et économiquement performants sur le moyen et long terme. D’où l’importance de mesurer ce capital immatériel et son évolution dans le temps.
Or, autant la littérature est abondante sur les méthodes d’évaluation et de valorisation des marques, autant elle est quasi inexistante sur celle des noms de domaine. C’est pourquoi l’Institut de comptabilité de l’immatériel a souhaité, en 2019, enrichir le Thesaurus Capital Immatériel d’un volet spécifique sur la notation du capital nom de domaine. De la même façon que sont notés les actifs client, humain, informatique, savoir…, nous avons cherché à noter le capital nom de domaine en association avec celui de la marque. Car marques et noms de domaine sont désormais indissociables !
Principes de comptabilisation applicables aux noms de domaine
Dans une décision du Conseil d’État du 7 décembre 2016 (affaire ebay.fr), il est rappelé que si l’usage d’un nom de domaine :
- constitue une source régulière de profits ;
- est doté d’une pérennité suffisante (notamment s’il peut être renouvelé régulièrement) ;
- est susceptible de faire l’objet d’une cession ;
alors, il constitue un actif incorporel de l’entreprise et doit
suivre les règles comptables et fiscales associées. À ce titre, les noms
de domaine doivent être comptabilisés soit à leur coût de création,
soit à leur valeur d’acquisition, soit à leur valeur vénale (valeur de
marché) pour ceux acquis à titre gratuit.
Les noms de domaine ne sont donc pas à considérer comme une simple
charge informatique, mais bien comme de véritables actifs qu’il convient
de gérer à leur juste valeur. À ce titre, une attention accrue sur les
enjeux fiscaux liés à la valeur des noms de domaine doit être apportée
dans le cadre des prix de transfert.
Quelles méthodes d’évaluation financière utiliser ?
En s’inspirant de la norme ISO 10668 sur l’évaluation monétaire des marques, nous avons développé un corpus scientifique solide, en finançant la thèse de Clément Genty (2016-2019), dont le titre est « Gouvernance de l’Internet et Économie Mondiale : Proposition d’un Modèle d’Évaluation de la Valeur d’un Nom de Domaine en tant qu’Actif Immatériel ». C’est dans ce cadre que trois approches de valorisation monétaire ont été étudiées :
- une approche par les coûts historiques ;
- une approche par le marché (sur la sémantique) ;
- une approche par la perte (coût de remplacement).
L’approche par le marché a pour objectif de mesurer la valeur sémantique d’un nom de domaine par référence aux transactions monétaires passées. Pour ce faire, nous avons constitué une base de données de plus de 1,4 million de transactions passées. Cette approche permet de donner une valeur de prix, par des comparables.
Finalité : mesurer la performance digitale des organisations
Ces trois approches distinctes de valorisation des noms de domaine par les coûts historiques, le marché et la perte, conjuguées à la notation du capital nom de domaine sont des outils qu’il convient de mettre à la disposition des directions financières afin qu’elles puissent mieux mesurer la performance digitale de leurs organisations.
Retrouvez ci-dessous la vidéo de Jean-Manuel Gaget « Le nom de domaine, un actif immatériel », également disponible sur notre chaîne YouTube.