Les noms de domaine Web3 : une extension du DNS ?

Noms de domaine web3

Depuis quelques années, le concept de Web3 émerge avec l’idée d’un Web plus décentralisé et axé sur la propriété numérique. Cet écosystème se développe dynamiquement, et permet aux utilisateurs de posséder véritablement des actifs numériques tels que des crypto-monnaies, des tokens ou encore des NFTs. De nouvelles formes d’applications voient le jour, exploitant ces actifs dans divers secteurs d’activité.

Les noms de domaine tels que nous les connaissons jouent un rôle central dans les interactions numériques, tant pour l’accessibilité des contenus que pour l’identité en ligne. Le DNS (Domain Name System) est le service de référence depuis plus de 30 ans pour maintenir ces registres de noms, en proposant un système universel, distribué dans le monde et régulé par l’ICANN.

Comme pour le Web à ses débuts, le Web3 a besoin de systèmes de nommage afin de faciliter l’interaction avec des identifiants techniques difficilement lisibles, comme des adresses cryptographiques. C’est de ce besoin que sont nés les systèmes de noms basés sur Blockchain, aussi appelés “noms de domaine Web3”. Ces technologies sont généralement comparées au DNS, en mettant en avant une décentralisation plus importante et une gestion renforcée de l’identité. Cependant, ces identifiants Web3 ont un fonctionnement bien différent du DNS, en évoluant sur un réseau décentralisé.

Cet article a pour objectif de présenter les évolutions de ce secteur depuis notre dernier article publié en 2022.

Le marché évolue

Le marché des noms de domaine Web3 est dominé par deux acteurs principaux, Ethereum Name Service et Unstoppable Domains, qui opèrent sur des stratégies de développement différentes. D’autres projets tentent également de s’implanter, comme 3DNS ou D3, en utilisant la tokenisation de noms de domaine pour créer un marché d’échange plus liquide.

Ethereum Name Service

Ethereum Name Service (ENS) est un protocole open-source basé sur la Blockchain Ethereum et détenu par une DAO (Organisation Décentralisée Autonome) à but non lucratif.

Connu pour ses noms de domaine .eth, ENS permet également l’import de noms de domaine traditionnels (.fr, .com, .net, …) sur Ethereum afin de les utiliser pour y associer des adresses de portefeuilles, de sites web ou d’applications décentralisées ; nous y reviendrons plus loin dans cet article. ENS compte plus de 1,7 million de noms actifs fin 2024, avec plus de 850 000 titulaires différents.

Les noms de domaine Web3 : une extension du DNS ?

Un pic d’activité a été enregistré en 2022, principalement dû à l’engouement autour des NFT et du metaverse, qui a mis en avant l’écosystème Ethereum et notamment favorisé la spéculation autour des noms de domaine NFT ; les noms courts et premiums ont tous été enregistrés, de manière à former des collections diverses et variées.

Les noms de domaine Web3 : une extension du DNS ?

La valorisation du token ENS, qui est utilisé dans la gouvernance et la prise de décision du protocole, atteint plus de 1,2 milliard de dollars en janvier 2025. Les revenus de 2024 liés à l’enregistrement et le renouvellement des noms dépassent les 62 millions de dollars.

La recherche et le développement sont actifs, avec l’ajout de nouvelles fonctionnalités dans une prochaine version du protocole. Nous n’entrerons pas dans les détails techniques, mais vous pouvez parcourir leur road map publiée récemment. Nous pouvons également noter que ENS noue de nombreux partenariats pour développer l’utilisation de leurs noms de domaine (GoDaddy, PayPal, Ubisoft, …).

Unstoppable Domains

Unstoppable Domains (UD) est une entreprise américaine soutenue par des fonds de capital-risque.

Elle a récemment été accréditée par l’ICANN en tant que registrar, devenant ainsi un acteur proposant à la fois des noms de domaine traditionnels (.com, .org, .io, etc.) et des noms de domaine Web3 (.wallet, .blockchain, .crypto, etc.) sur la blockchain Polygon.

Les noms de domaine Web3 de UD n’expirent pas et sont donc enregistrés “pour toujours”, contrairement aux .eth d’ENS. Avec plusieurs extensions, UD comptabilise plus de 4 millions de noms actifs et plus d’un million de titulaires différents.

Les noms de domaine Web3 : une extension du DNS ?

L’entreprise prévoit de se positionner comme une passerelle vers le Web3, notamment avec la participation au prochain round de l’ICANN, afin d’obtenir une ou plusieurs nouvelles extensions (TLD). Le dépôt de plusieurs brevets confirme cette stratégie ; nous verrons certainement à l’avenir de nouvelles extensions fonctionnant à la fois avec le DNS et des Blockchains.

Les Real World Assets

De nouveaux acteurs se développent avec une approche centrée sur les Real World Assets, c’est-à-dire la tokenisation d’actifs réels sur Blockchain. Leur objectif n’est pas de créer un nouveau système de nommage, mais d’importer des noms de domaine traditionnels sur une Blockchain en les représentant sous forme de token, en l’occurrence non-fongible. Ce token représente ainsi la titularité d’un nom de domaine, et peut être échangé en pair à pair sur des places de marché (OpenSea, Vision, …), du moment que le bureau d’enregistrement le reconnaît.

Au-delà des problématiques techniques d’authentification et de gestion du cycle de vie de ces actifs, cela pose également des questions d’ordre juridique et légal. La liquidité des noms de domaine est facilitée, mais qu’en est-il du token en cas de changement de bureau d’enregistrement ou de procédure de résolution des litiges telle que la procédure UDRP ?

Sur ce secteur, nous avons recensé quelques acteurs :

  • 3DNS : c’est un service de gestion de noms de domaine pour le Web3, offrant des services de résolution DNS et Blockchain.

Il propose une compatibilité avec plusieurs Blockchains grâce à l’utilisation du protocole sous-jacent ENS. Détenu par l’entreprise Intercap inc. et partenaire avec le registrar Namesilo, 3DNS est accrédité par l’ICANN et propose le TLD .box, revendiquée comme « première extension officielle du Web3 ». 3DNS est candidat pour obtenir les extensions .chain et .super lors du prochain round de l’ICANN.

  • D3 / DomainFi : également accrédité comme registrar depuis peu, D3 est conçu pour gérer des noms de domaine sur plusieurs Blockchains.

D3 propose actuellement des noms de domaine Web3 avec des extensions personnalisées (.ape, .shib, .core, etc.) mais a l’ambition de les soumettre au prochain round de l’ICANN pour qu’elles fonctionnent sur le DNS. L’entreprise a noué plusieurs collaborations avec des acteurs leaders dans l’industrie des noms de domaine et du Web3 (Identity Digital, Near Protocol, Gate).

  • NameFi : c’est une plateforme permettant la tokenisation de noms de domaine DNS sur la blockchain Ethereum, en les représentant sous forme de tokens non-fongibles (NFT).

Les utilisateurs peuvent enregistrer des domaines directement via l’interface de NameFi, sans intermédiaire centralisé. NameFi travaille avec des registrars et revendeurs de noms de domaine qui reconnaissent ces tokens comme des titres de propriétés.

  • GBM domains : propose un modèle d’enchères sur Blockchain Base pour l’enregistrement et la gestion des noms de domaine Web3.

Les utilisateurs peuvent enchérir sur des domaines en utilisant des tokens, avec un mécanisme de partage de valeur où une partie des revenus générés par les enchères est redistribuée aux participants. Le NFT reçu suite aux enchères fait foi pour le nom de domaine correspondant, qui est distribué par le registrar Dynadot.

Ces services sont récents et ont aujourd’hui seulement quelques milliers de noms enregistrés. Leur vocation est de pouvoir utiliser des noms de domaine traditionnels dans un écosystème Blockchain, tout en apportant de la liquidité et de la rapidité dans les transferts, en favorisant in-fine une spéculation.

D’autres systèmes de nommage alternatifs

Depuis des années, d’innombrables projets de nommage décentralisés et alternatifs ont vu le jour. Certains disparaissent, et d’autres continuent à évoluer dans l’ombre. Dans cet article, nous nous limitons aux acteurs principaux ainsi qu’aux nouvelles tendances.

Les noms de domaine Web3 : une extension du DNS ?

L’interopérabilité entre le Web2 et le Web3

L’interopérabilité entre le Web2 et le Web3 est essentielle pour favoriser l’adoption des Blockchains tout en tirant parti des infrastructures établies. L’objectif principal est de permettre une cohabitation efficace entre les systèmes existants et les applications décentralisées, en garantissant une bonne expérience utilisateur. Il existe néanmoins de nombreux défis techniques liés à cette convergence.

Les noms de domaine Web3 : une extension du DNS ? - L’interopérabilité entre le Web2 et le Web3

La résolution des noms

Les systèmes de nommage Web3 associent des noms avec des informations comme des identifiants de blockchain dans un registre sur une Blockchain. Pour effectuer une résolution, il faut donc interroger ce registre en communiquant avec un nœud de la Blockchain en question. Pour cela, il faut soit mettre en place un nœud, ce qui demande des compétences techniques et des ressources, soit interroger des fournisseurs de service tiers. De plus, la résolution doit se faire via l’utilisation d’outils dédiés comme des extensions de navigateurs ou des API, ce qui ne facilite pas l’usage.

Les noms de domaine Web3 : une extension du DNS ? - Résolution des noms

Des extensions identiques gérées par des systèmes de nommage différents peuvent entraîner des réponses divergentes. C’est notamment le cas lorsque plusieurs acteurs revendiquent une même extension, comme le .wallet. Cela favorise une fragmentation du web et les risques pour les utilisateurs.

La coexistence de plusieurs protocoles pour le Web3, avec chacun leurs propres règles, complique leur interopérabilité. Même si des acteurs tentent de proposer des standards universels, comme ENS ou la Web3 Domain Alliance, d’autres souhaitent privatiser leurs solutions. Ce sont donc aux applications de s’adapter pour intégrer le système de nommage Web3 qu’ils souhaitent.

Des passerelles centralisées

Le DNS repose sur une infrastructure hiérarchique distribuée, sur laquelle l’ICANN joue un rôle clé dans la gestion des extensions (TLDs) et leur gouvernance. Les systèmes de nommage Web3, à l’inverse, sont construits sur des Blockchains, offrant une structure décentralisée. Chaque nom est directement lié à un registre distribué, supprimant les intermédiaires traditionnels.

Comme mentionné précédemment, les applications qui intègrent la résolution de noms de domaine Web3 utilisent dans la plupart des cas des fournisseurs de service (Infura, Cloudflare, Moralis, …) pour faire le lien avec la Blockchain. Ces fournisseurs constituent donc un point de centralisation sensible, mais sont aujourd’hui indispensables pour faire le pont entre le Web2 et le Web3. De plus, il est important de noter que ces résolutions via ces fournisseurs utilisent le DNS, ce qui contrevient en partie à la promesse de décentralisation mise en avant dans certaines campagnes marketing.

D’autres protocoles explorent des solutions plus natives et décentralisées pour s’affranchir de ces dépendances. Ces projets allient stockage décentralisé et CDN afin d’augmenter le niveau de décentralisation. C’est le cas de jeunes projets comme Fleek ou encore Destra Network.

Les noms de domaine Web3 peuvent être liés à des sites web hébergés sur des solutions de stockage décentralisé, comme IPFS. Des protocoles comme DNSLink permettent la résolution de noms de domaine .eth via la passerelle Limo, pour afficher un contenu hébergé sur IPFS sur un navigateur, par exemple avec https://nameshield.eth.limo. Ces méthodes permettent de déployer du contenu pour le rendre disponible et résistant à la censure. Cela a ses avantages pour des services web critiques et la liberté d’expression, mais cela permet de nouvelles formes de cybermenaces.

Une régulation européenne

Les noms de domaine Web3, en raison de leur fonctionnement basé sur Blockchain et leur assimilation à des tokens, font face à un encadrement réglementaire spécifique en Europe. Ce cadre évolue rapidement, et les projets Web3 doivent s’adapter à un cadre réglementaire initialement conçu pour les crypto-actifs financiers.

Depuis la loi PACTE de 2019, le statut PSAN (Prestataire de Services sur Actifs Numériques) est la réglementation française en vigueur pour tous les acteurs offrants des services sur crypto-actifs. En Europe, le règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets) vise à encadrer ce secteur à plus haut niveau. Il est entré en vigueur depuis janvier 2025, et impose des obligations spécifiques aux acteurs Web3 :

  • Audit des services proposés.
  • Contrôle des flux financiers.
  • Vérification accrue des utilisateurs.

Dans le cadre de la transition de la réglementation nationale à la réglementation européenne, tout prestataire offrant des services liés aux crypto-actifs, tels que la gestion, l’achat ou la vente, doit obtenir un agrément PSCA (Prestataires de Services sur Crypto-Actifs) auprès de l’AMF.

Les tokens non fongibles (NFT) sont exclus du champ d’application du règlement MiCA. Tant qu’ils ne sont pas fractionnables et assimilés à des produits financiers, ils sont soumis à la réglementation de l’actif sous-jacent. Les noms de domaine Web3, généralement représentés sous forme de NFT, ne sont logiquement pas concernés par cette régulation. Cependant, pour enregistrer et configurer un nom de domaine Web3, il est nécessaire d’interagir avec des crypto-actifs pour réaliser des transactions sur une Blockchain. D’un point de vue juridique, il est donc pertinent de se poser la question suivante: un prestataire proposant des noms de domaine Web3 en Europe doit-il se conformer à la réglementation MiCA ?

Conclusion

Depuis 2022, le marché des noms de domaine Web3 continue d’évoluer, mais vers un axe différent. Plutôt que de se présenter comme des concurrents du DNS et de l’ICANN, ces acteurs tendent à proposer des systèmes interopérables, notamment avec la possibilité d’importer ou tokeniser des noms de domaine traditionnels sur Blockchain. La volonté pour ces acteurs de se faire accréditer comme bureau d’enregistrement et de participer au prochain round de l’ICANN pour obtenir de nouvelles extensions officielles le confirme. Cette démarche vise à légitimer leur activité et à améliorer l’intégration avec le DNS, en évitant une fragmentation des systèmes de nommage.

Ce marché de niche est aujourd’hui une goutte d’eau par rapport au marché des noms de domaine traditionnels. Les noms de domaine Web3 sont principalement enregistrés par les utilisateurs adeptes des crypto-actifs et par des acteurs de ce secteur, et sont associés en grande partie à des adresses de portefeuilles, mais également à des sites web ou des applications décentralisées. Certains sont aussi destinés à la revente sur des places de marché.

Tout l’enjeu réside donc dans le développement de l’écosystème Web3 dans sa globalité, et de l’adoption des crypto-actifs. Selon une étude de l’ADAN et KPMG, de plus en plus de particuliers et professionnels utilisent des crypto-actifs et des applications Web3 en Europe. Aux États-Unis, le sujet est déjà pris en compte au niveau politique, et les entreprises de ce secteur se développent rapidement, notamment grâce à une réglementation plus souple. Le président D. Trump a annoncé au World Economic Forum 2025 sa volonté de faire des États-Unis, la capitale mondiale de l’IA et des cryptomonnaies, et a dit préparer des mesures concrètes en ce sens.

Si les applications Web3 se démocratisent dans les prochaines années, notamment via l’intégration par des acteurs majeurs, les noms de domaine Web3 seront d’autant plus utilisés. Dans ce cas, cela poussera les acteurs du Web à s’adapter pour répondre à ces enjeux, mais également à veiller aux nouvelles formes de cybermenaces.

En tant que gestionnaire de noms de domaine, Nameshield suit de près les évolutions de ce secteur et se tient disponible pour toute demande d’information complémentaire.

Etude réalisée par Steve DESPRES et Thomas LEVASSEUR.

Les noms de domaine Blockchain : des identifiants décentralisés

noms de domaine Blockchain

Depuis sa création, le Web a connu un développement incroyable et compte aujourd’hui près de 5 milliards d’utilisateurs. Il repose sur de nombreux protocoles en évolution constante, maintenus par des entreprises spécialisées. Il s’est invité dans notre vie quotidienne et ne cesse d’apporter de nouveaux services. Les entreprises construisent leur identité numérique à travers des sites Web ou encore des noms de domaine.

Depuis quelques années, de nouvelles technologies sont apparues prônant un Web plus décentralisé, le Web3, sur lequel les utilisateurs auraient plus de pouvoir sur leurs données et leur vie privée. De nouvelles formes d’actifs numériques se développent, notamment des noms de domaine d’un nouveau genre.

Les noms de domaine Blockchain

Principe

Le DNS, système de noms de domaine, est un service au cœur du fonctionnement d’Internet. Il fonctionne comme un annuaire public qui associe des noms de domaine à des ressources sur Internet, comme des sites Web, des serveurs mails et bien d’autres encore. Il est notamment régulé par l’ICANN, et maintenu par de nombreux acteurs internationaux.

Plusieurs projets développent depuis quelques années, leur propre système de nommage sur Blockchain, avec de nouveaux types de noms de domaine. Contrairement aux noms de domaine traditionnels, ils ne fonctionnent pas avec le DNS et ne sont pas régulés. Leur objectif est de proposer des solutions de nommage décentralisées et indépendantes, pour des usages spécifiques.

Sur une Blockchain, les comptes des utilisateurs sont identifiés par des adresses cryptographiques difficilement lisibles, par exemple 0x2611135d64926F8266d88Ac5B6D05BE543bF8990. Les noms de domaine sur Blockchain permettent, en premier lieu, d’associer des adresses à des noms pour faciliter leurs utilisations mais également d’associer d’autres types d’information, pour diverses fonctionnalités que nous verrons par la suite.

Noms de domaine blockchain

Ne fonctionnant pas avec le DNS, il est nécessaire d’utiliser des applications ou logiciels compatibles avec ces types de noms de domaine (navigateurs web, extensions, etc.). De plus, seul le titulaire du nom a la possibilité de le contrôler ; aucun tiers ne peut le lui retirer le contrôle.

Namecoin

(.bit)

namecoin

Né en 2011, Namecoin fut le premier système de noms de domaine développé sur une Blockchain, avec l’extension .bit. Il est basé sur le code de Bitcoin, et utilise sa propre chaîne et cryptomonnaie. Namecoin est présenté comme une technologie expérimentale qui améliore la décentralisation, la sécurité, la résistance à la censure et protège la vie privée.

Les domaines .bit n’ont pas connu un grand succès, mais restent utilisés au sein de l’écosystème Bitcoin.

Ethereum Name Service

(.eth)

Ethereum Name Service

Ethereum Name Service (ENS) est aujourd’hui le système de nommage sur Blockchain le plus populaire. Il est développé sur la Blockchain Ethereum à l’aide de smart contracts. La gouvernance du système s’organise de manière communautaire, sous forme de DAO avec son token $ENS, et est composée de milliers de membres.

ENS propose l’enregistrement de noms de domaine en .eth, représenté sous forme de tokens non fongibles (NFT). Il est également possible de lier des noms de domaine traditionnels sur ENS, afin d’exploiter les mêmes fonctionnalités qu’un nom .eth avec un nom classique. ENS se définit donc comme un système complémentaire au DNS, et non pas comme une alternative.

Aujourd’hui, on compte plus de 2,6 millions de noms enregistrés, plus de 500 000 titulaires uniques et plus de 500 applications compatibles.

Unstoppable domains

(.crypto .nft .x .wallet .bitcoin .dao .888 .zil .Blockchain)

Unstoppable Domains

Unstoppable Domains propose un système de nommage sur la Blockchain Polygon. C’est le deuxième acteur le plus populaire, avec neuf extensions disponibles. Comme sur ENS, les noms sont représentés sous forme de NFT.

On compte plus de 1,6 millions de noms enregistrés, par plus de 350 000 titulaires uniques et un peu plus de 425 applications compatibles. De plus en plus d’entreprises de l’écosystème crypto nouent des partenariats.

Handshake

(extensions de premier niveau)

Handshake

Handshake est un système de nommage fonctionnant avec sa propre Blockchain et cryptomonnaie $HNS, qui propose des extensions de premier niveau. L’entreprise a récemment été rachetée par le bureau d’enregistrement Namecheap et a également développé un résolveur DNS pour ses noms, certains opérateurs le propose à ses clients.

Namebase est la place de marché principale qui permet l’enregistrement et l’échange de noms. Les titulaires d’une extension de premier niveau peuvent créer et revendre des noms de domaine de cette même extension. L’enregistrement d’une extension de premier niveau fonctionne avec un système d’enchère, et il n’y a pas de période d’expiration. Le nombre de noms Handshake enregistrés s’élève à plus de 7 millions.

Voici les acteurs principaux et les systèmes les plus utilisés à ce jour, mais il existe des dizaines de projets de systèmes de nommage sur Blockchain. Cela reste difficile de s’y retrouver dans cet écosystème et d’identifier les projets sérieux, tout en sachant que la plupart sont en cours de développement.

Ces systèmes posent aussi des problèmes de collisions. Une collision se produit lorsque plusieurs systèmes utilisent les mêmes noms, avec la même extension. Par exemple, Unstoppable Domains est en procès avec Handshake pour le .wallet, et a récemment arrêté la commercialisation du .coin qui était déjà proposé par Emercoin.

Les cas d’usage des noms de domaine Blockchain

Enregistrement d’un nom de domaine Blockchain

Pour procéder à l’enregistrement d’un nom de domaine Blockchain, les procédures varient en fonction du système de nommage utilisé. De manière générale, il faut créer un wallet, qui va permettre de réaliser des transactions et détenir des tokens.

Lors de la création d’un wallet, des clés cryptographiques sont générées :

  • Une clé privée : permet de contrôler le portefeuille et ses actifs. Cette clé privée doit absolument rester secrète et protégée. Si elle est perdue, l’accès au portefeuille et à tous les actifs qu’il contient, dont les noms de domaine, sera définitivement perdu. La meilleure solution étant d’utiliser des hardware wallets, comme Ledger ou Trezor.
  • Une clé publique : représente l’adresse publique du portefeuille.

Pour réaliser des transactions avec ce wallet, il faut l’alimenter en cryptomonnaies. Pour cela, le plus simple est d’acheter la cryptomonnaie souhaitée sur une plateforme d’échange, puis de la transférer vers le wallet. Pour enregistrer un nom, il faut ensuite se connecter avec son wallet sur le site Web du service (ENS, Unstoppable Domains, etc.), puis réaliser la transaction. Le nom de domaine sera ensuite lié au wallet, et il sera possible de le configurer.

Noms de domaine blockchain - Enregistrement

Association avec des adresses de portefeuilles

Il est possible d’associer des adresses de portefeuilles crypto à un nom de domaine. Cela permet de pouvoir envoyer des crypto-actifs à un utilisateur en utilisant son nom de domaine à la place d’une adresse cryptographique.

Association avec un site Web décentralisé

IPFS est une technologie de stockage décentralisée, sur laquelle il est possible d’héberger des sites Web ou d’autres types de données afin de les rendre “incensurables”. Il est possible de lier un site Web décentralisé à un nom de domaine Blockchain, notamment en y associant son identifiant IPFS. Des passerelles et certains navigateurs comme Brave ou Opera permettent d’accéder facilement à ce type de contenus.

Association avec des adresses de smart contracts

Les applications décentralisées fonctionnent avec des smart contracts déployés sur une Blockchain. Ils sont également identifiés par des adresses cryptographiques, comme les comptes des utilisateurs. Associer l’adresse d’un smart contract à un nom de domaine facilite son accès et est une manière de l’authentifier.

Envoi de mails

Certains services tiers, comme Ensmail et Skiff, proposent l’utilisation de noms de domaine Blockchain pour envoyer des mails. L’adresse mail utilisée est sous la forme [nom de domaine]@ensmail.org ou [nom de domaine]@ud.me.

Association avec des éléments liés à l’identité

Il est également possible d’associer des éléments d’identité à un nom, comme des URL, des adresses mails, des liens vers des réseaux sociaux, etc.

Utilisation comme un identifiant utilisateur

Les noms de domaine Blockchain peuvent être utilisés comme des identifiants décentralisés, et deviennent alors une solution technique à l’identité auto souveraine.

Quels enjeux pour les noms de domaine Blockchain?

Identité dans de nouveaux espaces numériques

Les noms de domaine Blockchain font figure d’identifiants décentralisés dans de nouveaux espaces sur Internet. Même s’ils reprennent la même forme que les noms de domaine traditionnels, ils sont différents sur plusieurs points :

  • Côté technique : la technologie sous-jacente est différente. D’une part nous avons le DNS, réparti sur des milliers de serveurs autour du monde et maintenus par de nombreux opérateurs. Et d’autre part, nous avons des systèmes décentralisés, développés sur des Blockchain. Les performances en termes de résolution de noms ne sont pas comparables. Les serveurs DNS sont capables de répondre à des milliers de requêtes par seconde en quelques millisecondes. Pour les Blockchain, il faut interroger un nœud du réseau, via une API, ou utiliser un service tiers ; ce qui n’est pas aussi rapide et scalable.
  • Côté des usages : les noms de domaine Blockchain répondent en premier lieu à un besoin spécifique, pour associer des adresses cryptographiques à des noms facilement lisibles. Les autres cas d’usage sont également différents de ceux des noms de domaine classiques, et sont aujourd’hui très liés à l’écosystème des cryptomonnaies. De ce fait, les systèmes de nommage sur Blockchain ne sont pas directement en concurrence avec le DNS.

Impact sur le droit des marques

Avec les noms de domaine traditionnels, il existe des procédures afin de permettre aux ayants droit de récupérer des noms portant atteinte à leur marque (UDRP). Les systèmes de nommage sur Blockchain, de par leur nature décentralisée, ne proposent pas ce type de solution. Certaines places de marché ont mis en place des solutions payantes afin de désindexer des contenus de leurs plateformes, mais cela n’a pas d’impact sur la titularité des actifs numériques. D’autre part, des acteurs comme Unstoppable domains ont choisi de bloquer la réservation de noms correspondant à des marques connues, afin de les réserver aux ayants droit.

Néanmoins, le droit relatif à la propriété intellectuelle doit être respecté ; la contrefaçon et l’usurpation d’identité sont des faits répréhensibles juridiquement. La difficulté réside essentiellement dans la qualification de ces noms de domaine Blockchain et l’identification des parties prenantes. Dans le cas d’un cybersquatting d’une marque avec un nom de domaine Blockchain, plusieurs parties prenantes interviennent :

  • Le titulaire qui a enregistré délibérément le nom.
  • La plateforme ou système de nommage qui a permis cet enregistrement.
  • Les diverses places de marché qui proposent la mise en vente de ce nom.

Bien que toutes les transactions sur Blockchain soient traçables et qu’une grande partie des plateformes vérifient l’identité de leurs clients (KYC), l’identification des parties peut vite devenir laborieuse et coûteuse en cas de dépôt de plainte. La négociation avec le titulaire et le rachat du nom sont des options envisageables, mais cela contribue à la spéculation.

Du côté juridique, les noms de domaine NFT entrent aujourd’hui dans le régime des actifs numériques. En France, la loi finance a introduit en 2019 un cadre légal autour des actifs numériques, notamment avec la création du statut PSAN pour les prestataires de services. En 2023, le règlement européen MiCA devrait s‘appliquer à son tour.

Développement du Web3

Depuis plusieurs années, l’écosystème Blockchain se développe et se finance, avec l’arrivée sur le marché de nouveaux types d’actifs numériques et d’applications. Les noms de domaine Blockchain font partie du concept de Web3, prônant un Web plus décentralisé. Ils apportent des fonctionnalités intéressantes pour des cas d’usage spécifiques, mais sont aujourd’hui soumis à une spéculation excessive et de nombreux cybersquatteurs.

La proposition de valeur du Web3 est séduisante, cependant il faut rester prudent. La complexité technique de ces technologies fait apparaître de nouveaux intermédiaires. En effet, les interactions d’un utilisateur avec une Blockchain se font généralement à travers un fournisseur de services centralisé (passerelles), et donc censurable. Il faut donc porter une attention particulière sur le niveau de décentralisation réel des applications, au-delà des discours marketing.

Il est encore difficile de se projeter quant au développement des noms de domaine Blockchain dans les prochaines années. Cela dépendra de plusieurs facteurs relatifs à tout cet écosystème ; l’amélioration de l’expérience utilisateur, son adoption et sa régulation. Dans tous les cas, l’évolution de ces technologies sera passionnante à suivre.

Pour lire cet article dans son intégralité, rendez-vous sur le site de Steve DESPRES : https://cryptoms.fr/