Dans un précédent article de Lucie Loos daté du 21 février dernier, il avait été évoqué l’étude par la Douma, la chambre basse du Parlement russe, d’un projet de loi qui a pour objectif de créer en Russie un « Internet souverain ». Cette loi permettrait ainsi au pays de fonctionner de manière indépendante s’il était coupé des grands serveurs mondiaux, en créant un système DNS interne au pays qui assurerait la liaison entre les adresses web et les adresses IP des serveurs web correspondants sans reposer sur les serveurs root de l’Internet mondial.
Mercredi 1er mai 2019, Vladimir Poutine a donc signé cette loi sur l’ « Internet souverain » dont l’entrée en vigueur est prévue pour novembre 2019.
Internet souverain : Sécurité informatique ou contrôle d’Internet ?
La loi prévoit ainsi la création d’une « infrastructure permettant d’assurer le fonctionnement des ressources Internet russes en cas d’impossibilité pour les opérateurs russes de se connecter aux serveurs Internet sources étrangers ».
Les fournisseurs d’accès à Internet russes devront mettre en place sur leurs réseaux des «moyens techniques» permettant un «contrôle centralisé du trafic» afin de faire face à d’éventuelles cyberattaques en provenance des puissances étrangères. Un contrôle qui passera par Roskomnadzor, l’agence de surveillance des télécoms et médias russes, qui a souvent été l’objet d’accusations concernant des blocages arbitraires de contenus web ainsi que par les services spéciaux russes (FSB).
Officiellement, l’Internet souverain serait conçu avec pour objectif la sécurité informatique, mais selon plusieurs experts, il s’agirait d’un prétexte. Cette loi est critiquée et jugée par de nombreux militants comme une tentative de contrôler les contenus web et d’isoler progressivement l’Internet russe dans un contexte de pression croissante des autorités sur la liberté d’expression sur Internet.
Plusieurs manifestations contre cette loi ont été organisées à Moscou et ont rassemblé des milliers de Russes en mars dernier. Quelques semaines plus tard, dans un communiqué commun, plusieurs organisations internationales de défense des droits de l’homme et de la liberté d’expression, dont Reporters Sans Frontières et Human Rights Watch ont appelé Vladimir Poutine à ne pas promulguer cette loi qui est « contraire aux engagements internationaux de Moscou en matière de respect des droits humains, et menace en particulier la liberté de la presse et le droit à l’information des citoyens russes ». Malgré cela, le président russe n’en a pas tenu compte et la loi a ainsi été signée le 1er mai 2019 et entrera en vigueur dès novembre prochain.