ICANN80 : Le Rwanda entre dans le petit cercle des états subsahariens à avoir accueilli l’ICANN

ICANN80

Après Paris qui a accueilli en mai dernier le Contracted Parties Summit (Ndlr : le Sommet des parties contractantes de l’ICANN), la capitale rwandaise vient d’accueillir son premier sommet de l’ICANN consacré aux sujets de politiques liées à la gouvernance d’Internet. Retour sur les enseignements notables de cet événement.

ICANN a trouvé son nouveau visage

L’ICANN80 a débuté avec l’officialisation de la nomination de M. Kurt Erik dit « Kurtis » Lindqvist comme futur Président directeur général de l’instance. Ce Finlandais de 49 ans va officiellement succéder à son prédécesseur Goran Marby d’origine suédoise, en poste jusqu’à sa démission fin 2022. L’intérim assuré par Sally Costerton va donc prendre fin le 4 décembre 2024, M. Lindqvist prenant officiellement ses fonctions le 5 décembre 2024. M. Lindqvist est directeur général du London Internet Exchange (LINX) depuis 2019. Sa nomination est l’aboutissement d’un long processus qui a débuté par la création d’un comité de recherche d’un directeur général. Au départ quelque 100 candidats, représentant plus de 20 pays d’Amérique du Nord et du Sud, d’Afrique, d’Europe, d’Asie et d’Australasie ont été identifiés. Après une évaluation plus poussée la liste a été réduite à sept personnes (trois femmes et quatre hommes) qui ont été interviewées par le comité de sélection du PDG. Le Conseil d’administration a approuvé à l’unanimité le choix de M. Lindqvist lors d’une session tenue juste avant l’ICANN80. Le nouveau PDG aura la particularité d’être basé à Genève.

Coup de projecteur sur l’Internet en Afrique

Il faut remonter à juin 2017 pour trouver une ville d’Afrique subsaharienne qui qui ait reçu l’ICANN. Johannesburg, la ville la plus peuplée d’Afrique du Sud accueillait alors l’édition ICANN59. En juin 2024 ICANN est donc enfin revenu en Afrique, avec le Rwanda comme pays hôte. Une très bonne chose quand on sait que l’Afrique reste encore largement sous dotée en matière d’accès à Internet. L’Union Internationale des Télécommunications estimait que fin 2021, 14.3% des ménages africains avaient accès à Internet contre 57.4% au niveau mondial. La connexion Internet fixe y est également plus chère que dans d’autres régions du monde en proportion des revenus. Elle y représente 18,6% du Revenu national brut (RNB) par habitant contre une moyenne mondiale de 2,8%. L’instance représentant les gouvernements, le GAC, a profité de la tenue de l’événement à Kigali pour organiser une réunion gouvernementale dite de « Haut Niveau ». Celle-ci a permis de rassembler 50 pays autour de quatre sessions questionnant le modèle multipartite, la coopération et la gouvernance, l’inclusion numérique et le soutien à la connectivité. Des sujets également au cœur du pacte numérique mondial des Nations Unies qui plaide pour un Internet plus inclusif et équitable. L’Organisation régionale At-Large Afrique (AFRALO), l’une des cinq organisations régionales At-Large au sein de l’ICANN, At-large représentant les utilisateurs finaux, a d’ailleurs initié la semaine de l’ICANN80 par une table ronde autour de l’amélioration de l’infrastructure Internet en Afrique. Du côté d’ICANN Org on a rappelé qu’en 2022 et 2023 deux serveurs racines ont été rendus opérationnels à Nairobi, au Kenya et au Caire en Egypte. La plupart des requêtes DNS racine basées sur l’Afrique sont désormais résolues en Afrique. A titre d’exemple, le serveur racine de Nairobi, au Kenya, traite 40 % de toutes les requêtes DNS racine pour le continent. Avant son installation, 35 à 40 % du trafic de requêtes DNS voyageait en dehors de l’Afrique pour être résolu. Les deux installations augmentent aussi la résilience du système de serveurs racines mondial pour les utilisateurs d’Internet dans le continent et permettent de parer à l’augmentation exponentielle de trafic attendue sur ce continent au cours des prochaines années.

Les promesses du prochain round de nouvelles extensions génériques, une estimation des coûts de candidatures enfin communiquée

Pas moins de huit sessions tenues dès le premier jour du sommet ont abordé la future série de nouvelles extensions génériques. ICANN Org a rappelé que ce programme permet de rendre l’internet davantage inclusif en tablant notamment sur le succès d’extensions internet dans les langues des utilisateurs, les fameuses extensions internationalisées. Aujourd’hui on compte 91 extensions internalisées parmi les 1172 extensions génériques, une proportion relativement faible. Dans les extensions de pays, les ccTLDs, la part des extensions internationalisées est en effet presque trois fois plus importante et représente près de 20% de l’offre. ICANN Org promeut cette nouvelle série en pointant l’opportunité de créer de nouvelles extensions génériques dans des langues natives. Le GAC appuie surtout pour un soutien accru apporté aux zones géographiques moins favorisées. L’intention est de rendre ce nouveau programme plus accessible pour ces zones avec des aides financières et opérationnelles. ICANN Org a considéré un montant de 2 millions de dollars US pour ce poste quand le GAC estime que les besoins sont plutôt autour de 10-16 millions de dollars US. Le GAC a indiqué espérer pouvoir soutenir au moins 45 projets de candidatures.

Ces considérations sont évidemment à mettre en perspective avec les coûts d’un futur dépôt de candidature pour un projet de nouvelle extension. Sur ce point très attendu, ICANN Org a présenté des projections selon le nombre de candidatures reçues. Si en 2012 il y a eu 1930 candidatures qui ont conduit à quelques 1240 extensions déléguées, quelques-unes ayant été abandonnées depuis, on ne sait pas quel sera le succès de la prochaine série qui va s’ouvrir en avril 2026.

Pour pouvoir amortir ses coûts, ICANN Org estime que les frais de candidature doivent s’établir à  293 000 dollars US si 500 candidatures sont soumises, 242 000 USD si elles sont au nombre de 1000, 208 000 USD pour 2000 candidatures. On rappellera qu’en 2012 les frais de candidature s’établissaient à 185 000 dollars US. On retiendra aussi que la valeur médiane des frais de candidature présentée s’établit à 259 000 dollars US.

Un remboursement partiel des frais est considéré si les frais retenus s’avèrent avoir été surévalués au regard d’un volume de candidatures plus élevé qu’estimé. On aura pu noter que dans les postes de dépenses, ICANN Org a indiqué que 13 millions de dollars US sont par exemple alloués sur 2025 à ce programme au titre de coûts de personnel. Un sujet qui a fait l’objet de questionnements, ICANN ayant déjà un budget opérationnel qui couvre les coûts de sa masse salariale.

Abus du DNS : Premiers enseignements suite aux amendements contractuels

ICANN80 a aussi été l’occasion d’un premier bilan après l’implémentation d’amendements contractuels des registres et des bureaux d’enregistrement pour inclure dans les contrats des mesures d’obligations de remédiation sur des abus DNS manifestes tels que des cas de phishing, des malwares ou encore des pratiques de pharming. Ces mesures sont entrées en application le 5 avril dernier. Le département de conformité d’ICANN a indiqué avoir reçu 1558 plaintes liées à des abus. 1382 n’étaient pas valides soit car elles n’étaient pas étayées ou renseignées suffisamment ou car elles étaient en dehors du périmètre d’action de l’organisation. Une partie a par exemple, concerné des ccTLDs (extensions internet de pays) où ICANN n’est pas compétente. ICANN a aussi rappelé que les abus manifestes doivent d’abord être signalés aux opérateurs de registres et aux bureaux d’enregistrement qui gèrent les noms de domaine.

ICANN80 est resté avant tout un sommet de travail avec peu d’annonces.  Tout juste le nouveau visage de l’organisation « Kurtis » Lindqvist a-t-il été officialisé, même si l’information avait déjà fuité quelques jours plus tôt. Cette désignation ne doit pas éclipser le fait que Sally Costerton assure depuis bientôt une année et demi l’intérim de présidence de l’organisation et que durant ce temps son volontarisme a permis de faire avancer plusieurs sujets dont la prochaine série de nouvelles extensions génériques qui est désormais bien sur orbite. Les travaux d’implémentation des politiques et du futur guide de candidature avancent et la fenêtre de candidature envisagée pour avril – juin 2026 semble désormais atteignable. Pour les frais de candidature on retiendra une fourchette allant de 208 000 à 293 000 USD selon le volume de candidatures escomptées. S’il a beaucoup été question d’extensions internationalisées, ce sont surtout les extensions géographiques et les extensions de marques, les fameux dot brand qui sont les plus pertinentes. Elles vont constituer un allié au service de la sécurité, de la performance, de la notoriété de leurs détenteurs dans un contexte de menaces mais aussi règlementaire, législatif et technologique de plus en plus complexe.  Pour réussir votre futur projet d’extension et bénéficier de solutions optimisées pour vos actifs en ligne, le tout est d’être bien accompagné.

Auteur/autrice : Arnaud Wittersheim

Head of Operations Department Nameregistry - Compliance - Nameshield