Fin 2019, l’annonce de la vente du registre du .ORG, Public Interest Registry (PIR) par l’Internet Society à Ethos Capital, un fond d’investissement, a créé un véritable débat, ce qui a été par ailleurs le sujet d’un précédent article de ce blog.
Pour rappel, cette annonce a engendré plusieurs craintes des ONG telles que de voir les prix du .ORG augmenter et la mise en place de principes de protection des droits pouvant entraîner une forme de censure des ONG, comme la pratiquent déjà certains pays. Ces peurs ont poussé l’EFF (Electronic Frontier Foundation) à lancer une campagne de sensibilisation sur l’impact potentiel de cette vente : SaveDotOrg. A ce jour, 846 organisations et 25 119 personnes ont signé cette pétition demandant à l’Internet Society de cesser la vente.
A la suite de ces nombreuses plaintes, l’ICANN a retardé l’approbation de la vente du registre du .ORG à Ethos Capital et a demandé des informations supplémentaires à l’Internet Society.
« Public Interest Commitments » : Les mesures proposées pour apaiser les préoccupations de la communauté du .org
En réponse à ces critiques, Ethos Capital et le Public Interest Registry tentent de rassurer en proposant la mise en place du « Public Interest Commitments » (PIC), des engagements assurant que l’augmentation tarifaire du .ORG serait limitée.
Parmi ces engagements, ils proposent également la création d’un « Stewardship Council » (un conseil pour la bonne gestion du .org) pouvant influencer les prises de décision du PIR et ainsi garantir le maintien de la liberté d’expression.
Ces engagements du PIC seraient ajoutés dans l’Accord du registre (Registry Agreement), contrat établi entre le registre et l’ICANN, relatif au fonctionnement du registre.
Un registre à but lucratif pour défendre des organisations à but non lucratif ?
Lors du dernier sommet de l’ICANN organisé à distance du 7 au 12 mars derniers en raison de la pandémie du Covid-19, plusieurs ONG dont l’EFF ont abordé ce sujet du rachat du registre du .ORG par Ethos Capital et ont interrogé l’ICANN sur leurs projets d’examiner ce changement de propriétaire.
Selon l’EFF, la création de ce conseil « Stewardship Council » ne répondra pas aux inquiétudes des ONG. En effet, les premiers membres de ce conseil seront directement ou indirectement sélectionnés par le PIR, et ce dernier disposera d’un pouvoir de veto pour s’opposer aux nouveaux membres, ce qui garantirait donc que ce conseil resterait en phase avec le PIR.
Concernant les prix du .ORG, selon les ONG, la mise en place du PIC n’assure pas une limitation de la hausse de prix. Une modification de l’accord du registre pourra être négociée à tout moment entre le propriétaire du registre et l’ICANN, malgré une opposition de l’opinion publique. C’est ce qui est arrivé en juin 2019, quand l’accord du registre du .ORG a été révisé pour réduire les droits des détenteurs du .org et supprimer le plafonnement des prix. L’ICANN a de plus indiqué en 2019, sa volonté de ne plus tenir le rôle de régulateur de prix, pourtant cette mise en place du PIC replacerait à nouveau l’ICANN dans cette position.
Par conséquent selon les ONG, ces « Public Interest Commitments » ne protégeraient donc pas suffisamment la communauté du .ORG.
Les questions des ONG sont restées sans réponse lors du dernier sommet ICANN, cette acquisition faisant encore actuellement l’objet d’un examen de la part de l’ICANN.
« Nous reconnaissons les questions et les préoccupations qui sont soulevées », déclare l’ICANN. « Pour apaiser ces préoccupations et maintenir la confiance dans la communauté « .org », nous exhortons PIR, ISOC et Ethos Capital à agir de manière ouverte et transparente tout au long de ce processus. […] Nous évaluerons de façon réfléchie et approfondie l’acquisition proposée afin d’assurer que le domaine demeure sûr, fiable et stable».
Affaire à suivre.